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société de psychologie physiologique

ques échecs, on arriverait peut-être à réussir l’expérience assez fréquemment.

Bien plus, je considère comme infiniment probable que les sujets dont je viens de parler obéissent très souvent, à l’insu de leurs hypnotiseurs, à des suggestions mentales involontaires ; et c’est là, à mon sens, une des causes d’erreur les plus fréquentes et les plus difficiles à éviter dans l’étude des phénomènes physiques de l’hypnotisme, lorsque les séries d’expériences sont longtemps poursuivies et répétées sur un même sujet par un même hypnotiseur. Je ne pense donc pas que la suggestion mentale soit, d’une manière absolue, aussi rare qu’on le croit généralement, mais je la considère comme un phénomène fugace, insaisissable, difficile à reproduire à volonté par l’expérimentation, et dont les conditions d’apparition nous échappent encore en grande partie. Toutefois, si l’on veut bien remarquer que la suggestion mentale, rarement observée par les savants d’aujourd’hui, est au contraire considérée par les magnétiseurs empiriques comme un fait très ordinaire, on peut se demander si le mode opératoire employé par ces derniers n’est pas pour une grande part dans ce résultat. Il n’est donc pas inutile de rechercher, comme je vais le faire, en quoi ce mode opératoire diffère de celui que les hommes de science mettent d’ordinaire en usage aujourd’hui.

Le point de départ des recherches contemporaines sur l’hypnotisme a été l’œuvre de Braid. Or cet auteur avait conclu de ses expériences que, en pareille matière, les observations devaient porter uniquement sur l’hypnotisé, et que l’hypnotiseur, pouvant être souvent remplacé par un objet inanimé, n’était pour rien dans les phénomènes observés. On a donc négligé, a priori, toute influence de la personnalité de l’hypnotiseur, même dans les faits de suggestion, qui peuvent être provoqués successivement par tous les expérimentateurs chez le même sujet, et ne résultent en somme que de l’automatisme de ce dernier. Aussi, dans presque toutes les expériences qu’on poursuit actuellement, voit-on le ou les sujets endormis, interrogés, suggestionnés indifféremment par plusieurs des personnes présentes. Chacun s’y prend à sa manière, et tout le monde y met du sien. En définitive, le dressage du sujet réalise de plus en plus l’automatisme absolu, à mesure qu’il devient plus parfait. Dans ces conditions, si quelqu’un tente une expérience de suggestion mentale et que cette suggestion soit perçue par le sujet, celui-ci peut évidemment percevoir en même temps les suggestions mentales involontaires de ceux des assistants qui doutent des résultats de l’expérience. Mis ainsi en présence de suggestions contradictoires, il n’obéit d’ordinaire à aucune. La non-réussite de l’expérience est la règle, et sa réussite une exception infiniment rare.

Qu’on veuille bien, maintenant se rappeler la manière de faire des magnétiseurs empiriques. Dans leurs expériences, il s’agit presque toujours d’un magnétiseur opérant sur son sujet. Ce sujet, dressé par l’expérimentateur, se croit en sa puissance unique. Il n’obéit qu’à lui,