Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
677
revue des périodiques

sur un terrain ferme ; on aurait ainsi amené les sciences à un degré de développement que verront à peine nos derniers neveux.

Carneri rend compte de la traduction allemande, qu’a donnée Kirchmann, de l’abrégé en 2 volumes dans lequel Jules Rig a condensé la Philosophie positive d’Aug. Comte. M. Jules Rig (qu’il prend en partie pour un pseudonyme) a fait avec beaucoup de talent, dit-il, ce travail de condensation, et l’infatigable Kirchmann a transporté dans sa traduction la clarté parfaite de l’original.

B. Carneri. Le problème du beau. — Le beau est la transfiguration de la vie terrestre… Si on poursuit dans les arts plastiques la spiritualisation de la forme jusqu’à ce qu’on arrive à exprimer complètement l’âme ; si on épie dans la poésie le cœur humain changé en langage (zur Sprache gewordenen) ; si dans la musique on se sent ébranlé jus qu’au fond de l’âme par des idées que les mots sont impuissants à reproduire, on arrive à reconnaître que le secret du beau consiste dans l’identité de contenu (Inhalt) et de forme ; que c’est là ce qui nous élève au-dessus du particulier jusqu’au général. La dissonance de tous les détails se résout dans une harmonie de l’ensemble ; le grand Tout nous parle dans son unité et l’homme nous apparaît comme son interprète. Dans le beau se maintient le concept du divin comme un concept humain, et le sentiment (Gemüth) complètement satisfait respire librement dans une quiétude (Wunschlosigkeit) céleste. C’est pourquoi les beaux-arts, qui ne peuvent se développer qu’avec une civilisation et une moralité (Gesittung) assez avancées, adoucissent eux-mêmes les mœurs : l’accord du vrai, du bien et du beau est un trio dans lequel cesse de résonner (ausklingt) la perfection terrestre. Le beau, en effet, qui permet à la puissance humaine de se surpasser elle-même, nous apparaît comme éternel et en même temps il se montre la chose la plus passagère. C’est, comme l’a dit Schiller, un jeu ; mais c’est un noble jeu de l’esprit, qui ne se donne que pour ce qu’il est, et qui assure une résignation triomphante à celui qui s’y abandonne en toute liberté d’esprit.

Theodor Curti. L’origine du langage d’après l’imitation du son (2 articles). — L’auteur essaye de montrer comment il est possible que les racines qui ne sont pas regardées comme des onomatopées, aient cependant des onomatopées pour origine, de sorte que toute la matière primitive de laquelle se sont formés les concepts du langage, apparaisse comme créée par l’imitation du son. Pour établir qu’il en est ainsi, il faut réviser les formes et les significations des racines qui sont semblables comme imitations de sons. L’auteur croit que l’homonymie (et la synonymie) des racines qui fait que le même bruit peut désigner différents concepts (et que différents bruits peuvent désigner la même idée) peut s’expliquer sans difficultés, si l’on accorde que la langue s’est formée par l’imitation du son, car le même bruit sert souvent à l’enfant pour désigner des concepts différents. L’observation des enfants l’a mis sur la voie et il a ensuite trouvé, dans les vocabulaires des racines différentes, une confirmation de sa conjecture.