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Les éléphants, les perroquets, les corbeaux, les tortues et certains poissons vivent plus longtemps que l’homme. Toute évolution plus avancée (Weiterentwickelung) exige une longue série de générations se succédant les unes aux autres, ce qui suppose l’existence de la mort ; il me semble donc vraisemblable au plus haut point que l’homme ne cessera jamais de suivre la loi générale de l’évolution, ce qui serait assurément le cas s’il devenait immortel. Voilà tout ce que je puis dire là-dessus. »

K. Fuchs. Titus Lucretius Carus (3 articles). — C’est seulement dans ces dernières années que nous avons créé une conception de l’univers reposant sur la science de la nature. On sait assez peu que la conception de l’univers tel que se le représentaient les Grecs en se plaçant au point de vue de la nature, était supérieure à celle de leurs philosophes, supérieure à celle qui régnait parmi nous il y a quarante ans. Malheureusement nous n’avons qu’un seul ouvrage où soit exposée cette théorie : ce sont les livres de Lucrèce sur la nature, qui sont heureusement un abrégé (Auszug) des ouvrages spéciaux d’Épicure, la plus grande autorité en cette matière. Ce qui fait surtout que cet ouvrage est peu connu, c’est que la science actuelle repose sur des divisions et emploie des expressions toutes différentes, ce qui nous empêche bien souvent de reconnaître chez Lucrèce nos idées les plus habituelles. Aussi l’auteur croit-il rendre service à beaucoup de savants en traduisant ces anciennes idées sous une forme moderne. Il expose successivement : 1o la chimie ; 2o la mécanique ; 3o la matière excitante (die Reizstoffe) ; 4o la cosmologie ; 5o la météorologie et la géologie ; 6o la physiologie ; 7o la psychologie.

Nous nous bornerons à indiquer, pour faire comprendre la manière dont il procède, ce qu’il retrouve dans la cosmologie de Lucrèce : L’univers est infini ; les corps célestes, les animaux et les végétaux ne sont que des complexus résultant de combinaisons chimiques ; leurs changements sont déterminés par les lois de la chimie et de la mécanique aussi reconnaît-on toujours les mêmes modes d’apparition. (Erscheinungstypen) dans le cours de leur évolution. Parmi ces modes, les plus marquants sont le changement matériel, le milieu propre à la production (Muttermedium) et le produit séminal (Seminalgebilde), la sélection par la lutte pour l’existence ; la destruction de soi-même (Selbstvernichtung), la concordance des organes et la stabilité de l’organisme.

Il a omis entre autres choses, dit-il, l’anthropologie et la Kulturgeschichte, la théorie du vide, la météorologie, la théorie de la gravitation, la théorie de l’origine de la religion ; mais il espère que ce qu’il a indiqué suffira à montrer qu’au point de vue de la connaissance de la nature les Grecs avaient une meilleure direction que nos propres parents. Si au lieu d’Aristote, on avait pris autrefois un Lucrèce ou un Épicure comme Bible de la nature, on aurait placé la science de la nature