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Nous avons à en signaler aujourd’hui deux fort intéressants : une étude clinique du docteur H. Saury sur la « Folie héréditaire » des dégénérés ; une thèse inaugurale du docteur Legrain sur le « Délire des dégénérés. » Ces deux mémoires ont trait à ce même groupe clinique des dégénérés que M. Magnan étudie avec une attention particulière depuis plusieurs années et qu’il paraît avoir réussi à constituer d’une manière définitive.

Rappelons d’abord la place qu’occupe ce groupe dans la classification des maladies mentales.

M. Magnan a proposé en 1884 de répartir ces maladies en deux grandes séries :

1o La série des états mixtes qui tiennent à la fois de la pathologie ordinaire et de la psychiatrie ; ce sont : la paralysie générale, la démence sénile (athérome cérébral), les lésions circonscrites (aphasie, etc.), l’hystérie, l’épilepsie, l’alcoolisme et les états consécutifs aux intoxications diverses.

2o La série des folies proprement dites ou psychoses, comprenant : a, les éléments simples, manie et mélancolie ; b, le délire chronique ; c, les folies intermittentes ; d, la folie des dégénérés ou des héréditaires avec ses syndromes épisodiques.

Dans cette seconde série, les folies sont classées suivant l’ordre croissant des influences héréditaires et, par conséquent, suivant l’ordre décroissant des influences occasionnelles. Cependant il faut mentionner de suite une réserve de M. Magnan que MM. Saury et Legrain n’ont pas reproduite ; c’est que, en dehors de toute hérédité, des accidents cérébraux survenus chez l’enfant, dans sa vie utérine ou dans le jeune âge, peuvent lui créer un état mental tout à fait analogue, sinon identique, à celui de la dégénérescence par hérédité.

Ainsi, le fait de l’accumulation héréditaire des infirmités cérébro-spinales léguées par les ascendants, ou bien le fait équivalent d’accidents utérins ou infantiles, crée parmi les hommes une nombreuse catégorie d’irréguliers, d’anormaux qu’on nomme, en psychiatrie, les héréditaires par excellence ou les dégénérés.

En qui consiste cette dégénérescence ? Essentiellement, dans la déséquilibration des centres nerveux.

« Au point de vue physiologique, dit M. Legrain, l’axe cérébro-spinal peut se diviser en trois segments : la moelle, le cerveau postérieur, le cerveau antérieur ; la moelle ; réservée aux actions réflexes simples dont le point de départ réside dans les centres gris, le cerveau postérieur présidant aux appétits, le cerveau antérieur restant le siège[1] du jugement et du fonctionnement supérieur de l’intelligence. Chez l’homme normal, un équilibre parfait règne entre le fonctionnement de ces trois grandes régions, la moelle et le cerveau postérieur n’agissant pas sans

  1. Il ne faut pas prendre ce mot siège au pied de la lettre. Il s’agit seulement d’une réaction nécessaire des lobes antérieurs du cerveau sur les lobes postérieure. Ad. C.