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REVUE GÉNÉRALE


LES ÉTUDES DE SCIENCE SOCIALE

Herbert Spencer. Ecclesiastical institutions : being part VI of the Principles of Sociology. London, 1885.A. Regnard. L’État, ses origines, sa nature et son but. Paris. Derveaux. — A. Coste, Aug. Burdeau et Lucien Arréat. Les questions sociales contemporaines. Paris, Alcan et Guillaumin, 1886. — Dr A. Schaeffle. Die Quintessenz des Sozialismus. Achte Auflage, Gotha, 1883.

Quoique ces ouvrages soient d’origines bien différentes et en apparence bien disparates, ce n’est pas le hasard qui les a réunis dans cette étude. Ils vont en effet nous permettre de saisir et de marquer l’état où se trouvent actuellement les principales sciences sociologiques. Surtout ils nous fourniront l’occasion de dégager la manière dont la sociologie tend à se diviser et à s’organiser. L’organisation d’une science ne s’improvise pas : elle se fait d’elle-même au jour le jour et résulte en général de longs et laborieux tâtonnements. Tout ce qu’on peut faire, c’est de prendre de temps en temps conscience des résultats obtenus, et c’est ce que nous chercherons dans ce travail.

I. Après un silence de trois ans et demi, en partie dû au mauvais état de sa santé, M. Spencer vient de publier la suite de sa Sociologie. La sixième partie qu’il nous donne aujourd’hui est consacrée à l’étude des institutions ecclésiastiques. Conformément à sa méthode, il suit l’évolution de la vie religieuse depuis sa première et plus obscure origine jusqu’à son complet épanouissement : il essaye même d’en esquisser par avance le développement probable dans l’avenir.

La religion commence dès que l’homme s’élève à la conception d’un être surnaturel, et le premier être surnaturel qu’il ait pu concevoir est un esprit. On trouvera dans la première partie de la Sociologie l’histoire de cette croyance. Nos premiers ancêtres ne purent s’expliquer le double phénomène, contradictoire en apparence, du rêve et du sommeil, qu’en distinguant deux hommes dans l’homme, l’un qui restait inerte, étendu, endormi, tandis que l’autre errait librement à travers l’espace. Cet autre soi, ce double, comme dit M. Spencer, c’est l’esprit. La mort n’est qu’une dissociation plus longue de ces deux êtres : tout ce qui la caractérise c’est que la durée en est indéterminée. Le sauvage imagine donc qu’il y a tout autour de lui une multitude d’esprits errants qu’il redoute comme on craint tout ce qui est invisible et mystérieux. Pour prévenir