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LE DEVOIR ET LA SCIENCE MORALE

(Fin[1].)

II

L’idéal et la pratique

La recherche de l’idéal n’est pas toujours considérée comme une recherche positive par les partisans de la méthode scientifique en philosophie. Cependant, la morale ne peut se distinguer de la psychologie et de la sociologie, comme l’hygiène ne peut se distinguer de la physiologie, et la thérapeutique de la pathologie que par la recherche d’un idéal. Les sciences de l’idéal, comme les sciences du réel, n’étudient d’ailleurs et n’ont pour objet de recherches que des faits et des lois, et si la recherche du bien et du beau a donné lieu à des théories trop fantaisistes, ce n’est peut-être pas une raison de les proscrire plus que nous ne proscrivons l’hygiène et la médecine, dont les aberrations n’ont pas été moins rares, ni moins éclatantes que celles de la philosophie. Au surplus, si le mot idéal a été trop compromis, il suffit, il me semble, pour le rendre acceptable de penser aux équivalents qu’il représente. La recherche de l’idéal en morale c’est la recherche des conditions qui permettent à un être de vivre à un degré aussi élevé que possible, de manière à ce que les diverses parties de l’être et les diverses conditions d’existence de cet être forment un système aussi parfait que possible. Je ne prétends pas au reste que la solution du problème soit possible et que nous puissions construire l’homme idéal, mais son énoncé ne paraît nullement impliquer contradiction ou sortir des limites de la science : c’est assez pour que le problème demeure et qu’on ait le droit d’en chercher la solution.

Supposons le problème résolu, et le corps de règles, c’est-à-dire de faits idéaux et de lois idéales, trouvé, il reste à l’appliquer ; mais on a souvent fait remarquer que la morale parfaite, absolue ne peut convenir qu’à l’homme parfait, et l’on a remarqué aussi que l’homme que nous connaissons était loin de cet état. Reste donc à trouver un

  1. Voir le numéro précédent de la Revue philosophique.