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bilité. Le fait de vivre en commun a précédé, dit très bien Maudsley, le fait de sentir en commun et de penser en commun. L’état grégaire, en un mot, a donné à la sexualité le milieu où elle pouvait produire tous ses effets. Que l’utilité de la vie en commun ait amené à cet état certaines espèces et les y ait retenues, comme les évolutionnistes le supposent, cela est très vraisemblable. Mais il est à croire que les sentiments tendres dérivant de l’instinct sexuel ont concouru à faire naître et à assurer l’état grégaire, aussitôt que cette condition d’utilité se rencontrait pour une espèce. Il est à croire aussi que le même progrès de l’intelligence qui a servi dans l’espèce humaine le développement d’une sociabilité supérieure, a été servi à son tour, en cet office, par des qualités sexuelles meilleures et en a provoqué l’affinement.

Beaucoup de mes lecteurs hésiteront sans doute à accepter, réduite même à ces termes, la théorie dont j’ai tenté la critique, et mon argumentation leur semblera trop subtile et hasardeuse. D’autres, du moins, y auront motif d’apporter à cette théorie des preuves nouvelles. Quant à ceux qui l’acceptaient un peu légèrement (et je suis du nombre[1]), ils connaîtront mieux à quoi elle les engagé et quelles difficultés elle rencontre. Mon dessein n’était pas tant de l’approuver que l’éprouver.

Lucien Arréat.

  1. Au premier chapitre de mon livre, La morale dans le drame, l’épopée et le roman. Alcan, 1884.