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six à sept ans, qui se roulait dans le linge sale que son père absent envoyait à la maison pour être lavé, en disant : « Ça sent papa ! » C’est le cri d’une sensualité naïve, et elle se taira quand l’éducation aura réprimé l’élan de la nature, quand la puberté aura apporté ses hontes et ses désirs. M. Pérez parle encore, dans le nouveau volume de sa psychologie (L’enfant de trois à sept ans), « d’enfants des deux sexes, qui éprouvèrent réellement, dès l’âge de quatre ou cinq ans, des affections inconsciemment amoureuses, non seulement pour des enfants, mais pour des adultes de l’autre sexe ». Houzeau avait conclu, un peu légèrement, de ce que les fonctions sexuelles ne commencent pas à la naissance, que les affections mentales se rapportant à l’instinct sexuel ne se manifestent pas non plus. Les faits, on le voit, parlent décidément contre lui.

Dans le mutuel amour des frères et des sœurs, le plaisir de l’embrassement est parfois d’une vivacité singulière, et le croisement des sexes qu’on y remarque d’ordinaire montre assez que la sexualité y entre pour quelque chose. Sans doute il faut toujours s’enquérir, en telle matière, si l’on a affaire à des sujets dégénérés ou présentant accidentellement, temporairement, un des syndromes de la folie des dégénérés. Mais les faits invoqués plus haut ne sont pas du domaine de la pathologie, et d’ailleurs les cas mêmes d’impulsion sexuelle précoce qui sont vraiment pathologiques n’auraient pas un sens différent des premiers pour le psychologue.

Un dernier exemple pour clore cette revue des situations tendres (il n’est besoin de l’épuiser), où j’espère bien n’avoir pas choqué la délicatesse des lecteurs. Une dame, que je vois souvent, s’émeut pour un rien et ne se montre pourtant pas toujours sensible à des misères qui me touchent moi-même. Elle est très attachée à son mari et aux personnes de son entourage. Mais ses affections, quoique solides, ne sont pas vives, et j’observe chez elle avec étonnement un singulier mélange de froideur et d’émotivité presque maladive. Une sorte de crainte du contact, de répulsion à donner la main, que je remarque aussi chez elle, explique peut-être cette apparente contradiction. On pourrait rattacher cette particularité, en effet, à la pauvreté du sens génésique chez cette femme, que la passion n’a jamais touchée, qui est presque frigide, et son cas nous fournirait une contre-épreuve du fait de l’apport de la sexualité dans le « toucher affectif », dont tant d’autres exemples, si peu qu’on y soit facile, ne laissent guère douter.

Il est permis, certes, de se refuser à accepter l’intervention du sens génésique en des moments où il n’a proprement rien à faire et à porter ainsi un état spécial hors des limites où la nature semble