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ARRÉAT.sexualité et altruisme

analogues, d’être reproductrice. Dès lors elle peut devenir le point de centre autour duquel d’autres qualités favorables viendront se grouper, et le procédé indiqué par Littré semblerait capable de fournir un plus riche développement que la circonstance, quoique très intéressante, mise en lumière par M. Féré.

La qualité qu’on ferait valoir, en premier lieu, est le souci de faire prospérer sa dépense en la continuant sous la forme des soins et des sacrifices personnels. On observerait dans l’allaitement une sorte d’état intermédiaire où la dépense organique, tout en soulageant la mamelle gonflée de lait, ressemble à un sacrifice joyeusement accepté, et la proposition de Spencer en serait presque justifiée.

Si Schopenhauer a qualifié l’amour de grand piège de la nature, parce qu’elle conduit l’homme, par l’attrait d’un plaisir intense, à accomplir l’acte le plus fertile pour lui en mésaventures, il faut dire que la mère, quand elle offre son sein au nourrisson, se fait complice de la piperie et y consent. Elle ne cherche plus seulement le plaisir, au risque de la douleur d’enfanter ; elle veut la peine, et les émotions qui l’en payent sont pures de tout sentiment grossier. On sait, d’ailleurs, que l’amour maternel se montre plus puissant chez les espèces animales où les petits réclament les soins continués de la mère, chez celles surtout où elle donne son lait. Même dans l’espèce humaine, « l’attachement de la mère, observe Houzeau (Études sur les facultés mentales des animaux, etc.), a quelque chose de plus intime et de plus vif durant la période de la lactation », et il se croit autorisé à dire « que la durée de l’allaitement, chez les divers peuples, marque le degré de sollicitude des mères pour leurs enfants. »

On a souvent argué, pour définir la fonction sociale de la femme, de ces devoirs premiers qui lui incombent d’être épouse, mère et nourrice. Mais les pédagogues et les économistes ont envisagé surtout l’assujettissement où les actes de son sexe mettent la femme, qui emploie à les accomplir l’activité dont l’homme dispose pour les œuvres collectives. Le psychologue va tout droit à la raison de ces actes, à la continuation de la dépense organique, et je pense qu’une étude plus attentive de ce caractère spécial fournirait à une psychologie de la femme des indications précieuses et nouvelles.

Je reviens à l’instinct, et je rencontre ici la critique de M. Fouillée (Critique des systèmes de morale contemporains). Ce philosophe accepte, avec Littré, que nos sentiments égoïstes et altruistes ont leur origine dans ces deux besoins de la substance vivante elle-même : se nourrir pour se conserver, se reproduire pour subsister comme espèce. Mais l’idée de sexualité lui paraît trop étroite. Il