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ARRÉAT.sexualité et altruisme

qualité attachée à l’instinct y semble un pur symbole, et la difficulté grande est de découvrir dans l’impulsion sexuelle étroite un sentiment qui dépasse l’intérêt du couple. Mais cette difficulté reste la même dans l’explication de M. Féré. La circonstance dont il parle, si remarquable soit-elle, regarde surtout l’exaltation momentanée du plaisir de l’individu, et il nous faudrait maintenant tenter de rattacher les formes supérieures de la sympathie au désir même de l’espèce, pris en bloc avec les conditions différentes qu’il enferme.

Bain a fait une tentative de ce genre (les Émotions et la Volonté). Il réduit toutes nos émotions tendres, intérêt social, sexe, sentiments de famille, affections bienveillantes, à la sensation primitive du contact animal, à ce qu’il appelle le plaisir de l’embrassement et il leur donne ainsi ce plaisir, ou cette tendance, pour une sorte de commun dénominateur. Cette théorie nous met au seuil de notre sujet.

Le toucher, écrit Bain, est le sens fondamental et générique. Le désir du contact est toujours sous-entendu dans les émotions tendres. La plus haute joie de l’intérêt social, celle même du bienfait gracieux trouve, d’après lui, sa raison en ce fait, que « chaque créature est disposée à donner quelque chose pour le plaisir premier de l’embrassement animal, même lorsqu’il n’est que paternel. » Dans l’amour, où ce plaisir atteint à sa plus haute puissance, le charme de la disparité va au delà des différences fixes de sexe, et l’attrait des contrastes de tempérament, de stature, s’explique ainsi. La disparité introduit enfin le type nouveau du parent. Bain ne ramène pas l’amour paternel à cet « amour du faible » où Spencer trouve le fait central de la bienveillance. La « faiblesse » du nouveau-né est le trait constant, selon Spencer. Bain objecte que les parents ne comprennent pas toujours l’impuissance de leur progéniture, et il reconnaît dans « l’étreinte du petit » l’origine du sentiment paternel, purement physique comme celle de l’amour. L’être faible, dit-il, s’attache à qui le protège, et sa faiblesse augmente la réciprocité dans l’étreinte animale. « L’enfant, ajoute-t-il, possède à un grand degré quelques-unes des beautés les plus fines de la personnalité, celles qui augmentent le charme des deux sexes, et les charmes féminins en particulier. »

Mais cette analyse, qui montre la puissance du toucher, laisse ouverte la question de savoir pourquoi il se trouve associé aux émotions tendres simples et non sexuelles, et d’où il prend cette nouvelle valeur. Or, écrit Bain lui-même, « la souffrance suprême et dernière de l’enfantement ne contribue en rien (chez la mère) à la puissance de l’étreinte, et cependant les opérations précédentes