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SEXUALITÉ ET ALTRUISME


La séparation des sexes, nous le savons tous, a été un important moment dans l’évolution des tendances, ou impulsions instinctives fondamentales des êtres vivants. La sympathie, ou plutôt les sentiments tendres y ont leur origine. C’est à ce moment, pour le dire en d’autres termes, que les tendances premières ont commencé de prendre les formes de l’altruisme, et la sexualité semble donc avoir été un caractère dominateur, qui entraînait après soi les caractères qualifiés altruistes. Ces caractères altruistes, il est vrai, ne laissent pas voir au premier coup d’œil la marque de la sexualité, et le mot d’altruisme recouvre des situations assez différentes, dont les plus hautes, et aussi les plus inférieures paraissent entièrement affranchies d’elle. Mais il reste toujours à rechercher si la relation, dans le temps, des formes tendres de la sympathie à la sexualité ne serait pas une relation d’effet à cause, et comment, en ce cas, une impulsion organique spéciale aurait concouru à produire, en s’étendant ou en s’idéalisant, ce phénomène tout à fait nouveau, l’altruisme social.

M. Ch. Féré a touché incidemment à ces questions, en un beau travail publié ici même sous le titre de Sensation et Mouvement (Rev. philos., oct. 1885). Il y montre que « l’induction psycho-motrice », constatée en de véritables expériences, multiplie les émotions, quand elle est réciproque, et il ajoute : « L’expression du plaisir, peinte sur un autre visage, augmente notre propre plaisir ; d’où il résulte que l’on a intérêt à provoquer le plaisir de l’autre pour augmenter le sien. L’origine égoïste de l’altruisme peut s’expliquer ainsi physiologiquement ; et les considérations qui précèdent font soupçonner que si, comme l’a dit Littré, l’altruisme est en corrélation avec la sexualité, c’est par un procédé différent de celui qu’il indique. »

Ce procédé, on ne l’ignore point, est la dépense exigée pour la subsistance de l’espèce. On ne voit pas tout de suite, j’en conviens, comment cette dépense reproductrice sera le moment altruiste de la vie, dont la nutrition conservatrice serait le moment égoïste. Cette