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G. LE BON.applications de la psychologie

occupés par des Thibétains, aux pommettes saillantes et aux paupières bridées.

Tandis qu’on ne peut faire remonter à aucune époque exacte les invasions qui pénétrèrent dans l’Inde par la porte touranienne, et que l’on n’en voit aucune descendre par ce chemin depuis le début des temps historiques, on connaît, avec leur date et leur détail, beaucoup de celles qui vinrent de l’Asie occidentale et qui franchirent la porte aryenne. Cependant les plus reculées se perdent aussi dans la nuit des temps et ne sont connues, comme celles des peuples jaunes, que par leurs résultats ethnologiques.

Les Touraniens et les Aryens sont les envahisseurs qui ont laissé les traces civilisatrices les plus profondes. D’une façon générale, on peut dire que les populations de l’Hindoustan tiennent des premiers les proportions de leur corps et les traits de leur visage, alors qu’ils doivent aux seconds leur langue, leur caractère, leur religion et leurs mœurs. 170,000,000 d’Hindous parlent des langues aryennes, et pourtant une bien faible fraction de cette multitude se rattache par le sang à la pure race blanche.

Les Touraniens vinrent les premiers. Ils établirent d’abord leur domination dans tout le bassin de l’Indus et dans une partie de celui du Gange ; puis, à mesure que leur nombre s’accroissait par l’arrivée de nouvelles bandes, ils s’avancèrent toujours davantage dans l’intérieur de la péninsule, et enfin pénétrèrent dans le Dekkan. Devant eux, comme autrefois devant les peuples jaunes, un refoulement se produisit, et les populations qu’ils attaquaient, trop faibles pour leur résister victorieusement, se réfugièrent en foule dans les régions montagneuses et boisées qui forment le centre du Dekkan.

C’est, nous l’avons dit, dans ce massif élevé du centre qu’il faut chercher les derniers représentants des habitants primitifs de l’Inde, Protodravidiens ou nègres purs. Le plus nombreux et le plus important de ces peuples d’antique origine porte le nom de Kohl. Il occupe le Chota-Nagpore dans le haut bassin de la Mahanuddi. Il se divise en plusieurs tribus plus ou moins indianisées, mais les véritables Kohls, au nombre d’environ 1,000,000, n’ont encore adopté aucune des coutumes, aucune des croyances des Dravidiens qui habitent les vallées et les plaines.

Les dénominations de groupe kohlarien, langue kohlarienne, empruntées au nom du plus remarquable parmi les peuples autochthones, s’étendent à la plupart des habitants et des idiomes compris dans la région de montagnes qui traversent la péninsule depuis le golfe de Cambay jusqu’au Gange. C’est surtout vers l’orient de cette zone qu’apparaissent en grand nombre et sans mélange les peuples