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dans l’Inde, puisque 50 millions d’Hindous ont adopté la loi du Prophète ; et comment, au contraire, avec un degré d’écart différent, elle peut être très difficilement supportée. Ce dernier cas est celui des Anglais dans l’Inde. Malgré un siècle d’occupation ils n’ont pu faire encore accepter à leurs sujets ces deux éléments par lesquels commence toujours l’assimilation d’un peuple : la religion et la langue.

Je n’insisterai pas davantage sur des généralités applicables à tous les peuples, et développées suffisamment dans l’ouvrage que nous avons écrit pour servir d’introduction à notre histoire des civilisations[1]. Laissant donc de côté ce qui concerne la formation des races, nous nous bornerons à rechercher maintenant les caractères qui permettent de les différencier.

II

Il semble évident, au premier abord, que les plus importants des caractères qui permettent de différencier les races humaines doivent être les caractères anatomiques, la couleur de la peau, celle des cheveux, la forme du crâne, par exemple. Cela semble évident parce que ces caractères sont immédiatement visibles. Mais quand on cherche à approfondir leur valeur, on reconnaît bien vite qu’ils ne permettent que des divisions tout à fait grossières. Avec la couleur de la peau et celle des cheveux, on peut diviser tous les habitants du globe en quatre ou cinq groupes à peine. Avec la forme du crâne, on subdivise chacun de ces groupes en deux ou trois autres, et il devient ensuite impossible d’aller plus loin. Diviser les blancs, c’est-à-dire tous les peuples de l’Europe, en brachycéphales et dolichocéphales, en blonds et en bruns, ne nous dit à peu près rien sur eux, car ces divisions réunissent dans le même groupe des peuples aussi différents que les Français, les Anglais, les Russes, les Allemands, etc.

Les caractères anatomiques sont donc absolument insuffisants pour différencier les races humaines. Ce que nous savons de la diversité des races qui contribuent souvent à former un seul peuple, prouve que la langue, la religion, les groupements politiques ne sont pas des éléments de classification meilleurs.

Ces éléments de classification que la religion, la langue, les groupements politiques et les caractères anatomiques ne sauraient nous fournir, les caractères moraux et intellectuels pourront seuls nous les donner. Ils sont l’expression de la constitution mentale d’un peuple, constitution en rapport avec une structure anatomique spéciale du

  1. L’homme et les sociétés. Leurs origines et leur histoire. 2 vol.  in-8o. 1881.