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G. LE BON.applications dr la psychologie

Si faible que soit l’action des milieux, elle existe pourtant, mais alors seulement que l’hérédité leur apporte son puissant concours. Lorsque, suivant la seconde des conditions indiquées plus haut, pour permettre la fusion de deux races, les éléments mis en présence ne sont pas disproportionnés, les influences si lourdes du passé se trouvent dissociées par des influences héréditaires contraires d’un poids égal, et les milieux, n’ayant plus à lutter contre elles, peuvent librement agir.

Nous voici donc conduits à cette première conclusion, que ce n’est que par le mélange de races différentes, et nullement par l’action du milieu seul, que peuvent se former des races nouvelles. Mais ici nous nous trouvons en présence d’une question dont l’intérêt pratique est considérable, car de sa solution dépend le plus souvent l’avenir d’un peuple. Cette question est la suivante : Quelle sera la valeur de la race nouvelle ainsi formée ? Si elle est égale ou supérieure à la plus élevée des races mises en présence, il est évident que le mélange est avantageux. Il n’est pas moins évident qu’il sera nuisible, au moins pour la race supérieure, dans le cas contraire.

Nous avons examiné en détail cette question fondamentale dans de précédentes recherches, et n’avons qu’à en rappeler ici les conclusions. En nous appuyant sur l’étude des résultats amenés par ces mélanges dans les diverses contrées du globe, nous avons fait voir qu’ils pouvaient être, suivant les circonstances, avantageux ou nuisibles. Ils sont avantageux, si lès éléments mis en présence, au lieu d’être en opposition, se complètent de façon à former un tout homogène. Tels sont les éléments dont la réunion a formé la race anglaise et l’américaine par exemple. Ils sont tout à fait nuisibles, si les éléments qui s’unissent sont fort différents par leur civilisation, leur passé et leur caractère. Les mélanges du blanc et du noir, de l’Hindou et de l’Européen, se trouvent dans ce dernier cas. Les résultats funestes engendrés par des mélanges entre peuples trop différents étaient parfaitement connus d’ailleurs des anciens conquérants de l’Inde, et furent probablement l’origine du régime des castes, base des institutions sociales de la péninsule depuis 2000 ans.

Nous avons étudié ailleurs ces mélanges dans leurs conséquences politiques et sociales suivant les différents cas qui peuvent se présenter, et nous avons vu qu’ils sont les plus énergiques facteurs de la décadence des peuples et des empires. Nous avons recherché également ce qui pouvait résulter de la mise en présence de deux races dont l’une a asservi l’autre, et fait voir pourquoi avec un certain degré d’écart existant entre les deux peuples, la domination étrangère peut être acceptée facilement, ce qui fut le cas des Musulmans