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d’Adrienne à l’insu de L. Je suggère un jour à Adrienne de venir le lendemain à deux heures chez M. le docteur Powilewicz. Le lendemain à l’heure dite L. entrait chez le docteur. Je l’attendais et je l’ai interrogée. Mais lorsqu’elle me parlait (par la bouche) elle semblait éprouver une singulière hallucination ; elle croyait être chez elle, prenant les meubles du cabinet pour les siens et soutenait n’être pas sortie. Adrienne que j’interrogeai alors me répondit sensément par écrit qu’elle était venue sur mon ordre, mais que L. n’en savait rien. Tout s’était passé comme dans les suggestions ordinaires, mais je ne l’avais pas compris tout d’abord. Inutile d’ajouter que le soir L. ignorait entièrement sa visite au docteur, tandis qu’Adrienne s’en souvenait très bien.

2o Voici une autre remarque que j’ai pu faire par le même procédé. L. était, comme je l’ai dit, une grande hystérique ; quoique ses crises aient beaucoup diminué d’intensité et de fréquence depuis le début de ses séances d’hypnotisme, elle en avait encore de temps en temps. Lorsqu’elle était sous le coup d’une crise d’hystérie, quelque temps même après la crise, l’automatisme avait presque disparu. L. m’entendait encore bien, mais Adrienne n’obéissait plus ou si je parvenais à la faire écrire par suggestion, elle écrivait sans cesse : « J’ai peur, j’ai peur, » et ne répondait pas. Il me vint à l’esprit que dans la crise hystérique, c’était ce second personnage, Adrienne, qui était occupé et j’en ai obtenu facilement une sorte de démonstration. L. avait des crises assez compliquées’; après les convulsions du début, elle était poursuivie par des hallucinations terrifiantes dans lesquelles des hommes cachés jouaient un grand rôle ; je n’avais jamais obtenu une explication de ces terreurs, car à l’état de veille ou même en somnambulisme L. n’avait pas le moindre souvenir des incidents de la crise. Je m’avisai un jour d’interroger Adrienne à ce sujet et par écrit ; celle-ci me raconta tous les incidents de la crise et leur origine : « Je vois d’abord un rideau, puis des hommes cachés qui me font peur… à la campagne, un soir d’été, chez grand’mère, pendant les vacances, deux hommes étaient venus, puis dans le jardin un grand rideau qu’ils avaient mis aux arbres et se mirent derrière, ce qui nous fit peur, et depuis j’ai toujours eu peur. » Il faut remarquer que l’instant suivant L., interrogée avec soin, ignorait ces détails et savait vaguement avoir eu une maladie grave à l’âge de sept ans à la suite d’une frayeur.

3o Le sujet était susceptible de catalepsie vraie ; il pouvait entrer dans cet état singulier où la position des membres suggèrent des expressions de tout le corps, étonnantes d’harmonie et de vérité. Depuis longtemps on a cherché à saisir ce qui se passe dans la conscience d’une cataleptique ou même à établir s’il y a ou non des phé-