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faculté nouvelle, mais des phénomènes ordinaires s’exécutant inconsciemment.

Il me semble que ces expériences se rapportent assez directement au problème soulevé dans la Revue littéraire. Les faits signalés étaient parfaitement exacts : les somnambules peuvent compter les jours et les heures qui les séparent de l’accomplissement d’une suggestion, quoiqu’ils n’aient aucun souvenir de cette suggestion elle-même. En dehors de leur conscience, nous ne savons comment, il y a un souvenir qui persiste, une attention toujours éveillée et un jugement bien capable de compter des jours, puisqu’il peut même faire des multiplications et des divisions. Mais il n’en est pas moins vrai qu’on ne s’attendait guère à trouver de pareils phénomènes automatiques et sans conscience, et que leur étude peut avoir les conséquences les plus importantes pour la psychologie.

IV

Les expériences précédentes une fois expliquées, nous arrivons tout naturellement à un nouveau phénomène qui a été bien souvent présenté comme mystérieux, qui a été le point de départ de toute la doctrine du spiritisme et qui me semble cependant la suite, le développement prévu des faits déjà observés. Il existait évidemment dans la tête de L. des opérations psychologiques importantes en dehors de sa conscience normale. Comment les rendre sensibles par un signe, un langage quelconque. Les paroles ne me révélaient rien ; essayons d’un autre genre de signe, de l’écriture[1]. « Quand j’aurai frappé dans mes mains, vous prendrez sur la table un crayon et du papier et vous écrirez le mot « bonjour ». Au signe donné, le mot est écrit rapidement, mais d’une écriture lisible ; L. ne s’est pas aperçue de ce qu’elle faisait. « Vous écrirez cette phrase : « Je fais tout ce que je fais sans le savoir ; » la phrase est écrite, mais ce n’est toujours là que du pur automatisme qui ne manifeste pas grande intelligence. « Vous allez multiplier par écrit 739 par 42. » La main droite écrit régulièrement les chiffres, fait l’opération et ne s’arrête que lorsque tout est fini. Pendant tout ce temps, L. bien éveillée me racontait l’emploi de sa journée et ne s’est pas arrêtée une fois de parler pendant que sa main droite calculait correctement. Je voulus laisser plus d’indépendance à cette intelligence sans conscience. « Vous écrirez une lettre quelconque. » Voici ce qu’elle écrivit inconsciemment, une fois réveillée : « Madame, je ne puis venir dimanche comme il était entendu ; je vous prie de

  1. La disposition de l’expérience est toujours la même.