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compréhensif ; si le prédicat est le tout contenant le sujet, il est extensif. Un même jugement sera extensif ou compréhensif suivant que le prédicat ou le sujet est le concept principal. Ainsi ce jugement : les hommes sont des êtres vivants, est compréhensif, s’il doit exprimer que la vie est un attribut de l’homme ; il est extensif si le prédicat est regardé comme une classe renfermant le concept homme. Dans le jugement compréhensif, le sujet seul est quantifié ; il est le concept principal, avantagé du jugement. Le prédicat lui est subordonné et ne sert qu’à le déterminer. Si le jugement est extensif, le prédicat n’est pas un simple attribut du sujet, c’est une classe qui contient le sujet ; en d’autres termes, le prédicat est alors quantifié tout comme le sujet. Le jugement extensif est donc une égalité entre deux concepts. Quelques êtres vivants, est égal à tous les hommes, et inversement. Il en résulte qu’il n’existe qu’une espèce d’interversion du jugement : l’interversion simple. Loi unique qui remplace les règles compliquées de la logique d’Aristote.

La doctrine de la quantification du prédicat fut l’objet d’attaques très vives, surtout de la part de J.-St. Mill. Selon Mill, le prédicat peut parfois être quantifié, et le langage se fait alors le fidèle interprète de la pensée. Mais il est inexact qu’il soit toujours et nécessairement quantifié. Il peut l’être implicitement, mais il ne l’est pas dans l’esprit de celui qui énonce le jugement. Les mêmes objections, Mill les fait à la théorie de l’extension et de la compréhension. Nos jugements seraient toujours compréhensifs, bien que, le plus souvent, nous les énoncions sous forme extensive. Si je dis : « Le ciel est bleu », pour prendre un exemple familier à Mill, j’entends par là uniquement que le ciel est de cette couleur. Je ne pense pas à la classe « bleu ». Je n’ai pas même besoin de savoir qu’il existe encore d’autres objets bleus. La perception du bleu est seule présente à mon esprit.

M. Nedich concède que le plus souvent nous jugeons compréhensivement, comme le veut Mill. Seulement il pense que la logique ne doit pas se borner à examiner ce qui se passe dans l’esprit de celui qui énonce le jugement. Elle ne doit point, comme le fait Mill, se placer à un point de vue purement subjectif, purement psychologique.

Mill fait encore une autre objection à la théorie de Hamilton. C’est que le jugement notifié comporte non plus une, mais deux significations, et que, par suite, son contenu est altéré. Si nous énonçons, dit-il, un jugement sous cette forme contrainte : « Tous les hommes sont tous les êtres raisonnables », n’est-il pas évident que, pour saisir toute la portée de cette proposition, deux jugements sont nécessaires : 1o que tout homme possède les attributs de la raison ; 2o que rien qui n’est pas homme ne possède cet attribut ou, ce qui est la même chose, que chaque être raisonnable a les attributs de l’homme. C’est là une objection à laquelle échappe difficilement la théorie de Hamilton. M. Nedich y répond fort bien : « En supposant même l’objection de Mill fondée, serait-ce un motif suffisant pour bannir le prédicat quantifié de la lo-