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n’ai jamais prétendu que le prisme dédoublait directement une image mentale ; c’eût été absurde ; j’ai montré au contraire, avec beaucoup de détails, que les instruments d’optique qui modifient les hallucinations visuelles ne le font qu’en modifiant les points de repère auxquels ces hallucinations sont associées. Je refuse donc de suivre M. Bernheim dans cette discussion et je me contente de le renvoyer simplement à mes écrits antérieurs. Quand il sera renseigné sur la question, nous pourrons reprendre ce débat avec plus de fruit.

Ce n’est pas tout. Nous avons publié, M. Féré et moi, un grand nombre d’expériences sur les effets chromatiques des hallucinations colorées. Ainsi, nous avons constaté pour la première fois, avec le concours de M. Richet, que l’image hallucinatoire d’une couleur produit une image consécutive de couleur complémentaire. Cette expérience fondamentale réussit avec une grande constance, et M. Charcot l’a répétée dans ses cours : elle a, de plus, l’avantage de confirmer un fait normal observé par Wundt. M. Bernheim essaye de la répéter, une seule fois, sur un seul sujet, et il s’y prend si mal qu’elle ne réussit pas ; en effet, au lieu de donner l’hallucination d’un petit carré rouge, il colore par suggestion une surface beaucoup plus grande, un disque rotatif ; de plus, il n’immobilise pas le regard du sujet en lui faisant fixer un point noir, et naturellement l’épreuve lui paraît suffisante pour conclure que nous nous sommes trompés (p. 103).

Ce n’est pas tout encore. Nous avions montré, M. Féré et moi, que si on suggère une photographie sur un carton blanc, l’image est si bien localisée et fixée sur ce carton que la malade la retrouve, entre six ou dix cartons pareils. Cette expérience qui est due, je crois, à M. Charcot, a été répétée certainement plus de mille fois, avec succès, sur plus de dix sujets. M. Bernheim essaye quatre fois, ne réussit pas, et déclare l’expérience fausse.

J’ai gardé pour la fin le meilleur exemple. Nous avions avancé que deux couleurs imaginaires superposées au moyen d’une lame de verre qui permet de voir l’une par réflexion et l’autre par transparence, donnent une teinte résultante conforme aux lois de l’optique. M. Bernheim ne refait pas cette expérience, et quand même il l’aurait refaite avec un résultat négatif, cela n’aurait rien prouvé ; non, il en imagine une autre, tout à fait différente, que nous nous étions bien gardés de faire, et comme elle ne lui réussit pas plus que les précédentes, il en conclut pour la troisième fois que nous sommes dans l’erreur.

Je me suis attardé dans cette discussion ; j’en livre au lecteur le résultat, car il est intéressant pour la psychologie de l’observation.

Nous ne dirons que deux mots de la seconde partie de l’ouvrage, consacrée à la thérapeutique par suggestion ; l’auteur y rapporte un grand nombre d’observations, dont les plus intéressantes ont trait aux maladies organiques ; la suggestion, même dans ces cas de lésions matérielles, peut avoir une grande efficacité, en agissant sur les troubles dynamiques qui accompagnent toujours la lésion matérielle. Il est seu-