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ANALYSES.bernheim. De la suggestion, etc.

suggestion, et l’effet a continué à se produire ; nous avons employé un aimant en bois, et rien ne s’est passé : nous avons expérimenté sur des malades complètement neufs et obtenu les mêmes résultats. Tout cela importe peu à M. Bernheim.

Ses conclusions n’en arriveraient à rien moins qu’à nier complètement le grand fait du transfert démontré cependant par les recherches de Charcot, de Dumontpallier, de Gellé et de bien d’autres. M. Bernheim ignore-t-il l’existence de ces recherches ?

Certes, nous sommes loin de prétendre qu’on doit défendre à un auteur de dire son opinion sur une question, sous prétexte que cette question a été définitivement jugée. Mais il n’en est pas moins vrai qu’on ne saurait traiter à la lumière de deux ou trois expériences manquées un problème qui a été aussi sérieusement étudié que celui du transfert. En somme, il n’y a rien de mystérieux dans l’action de l’aimant, quand on y regarde de près. L’aimant, assimilable à un solénoïde, agit physiologiquement comme un courant électrique faible. Nier l’action de l’aimant sur l’organisme, ce serait nier l’action de l’électricité. M. Bernheim ira-t-il jusque-là ?

Mais concluons cette longue discussion. M. Bernheim n’a pas réussi à reproduire nos expériences de transfert. Qu’est-ce que cela prouve ? C’est qu’il s’y est mal pris, ou bien que ses sujets ne sont pas sensibles à l’aimant. Nous n’avons expérimenté que sur de grandes hypnotiques. Pourquoi n’en a-t-il pas fait autant ? Il n’y a rien de plus à dire à ce sujet. Avant de contester nos expériences, placez-vous dans les mêmes conditions. On ne peut pas plus étudier de phénomènes de la grande hypnose, quand on n’a pas de grandes hypnotiques à sa disposition, qu’on ne peut étudier de paralysie générale quand on n’a pas de paralytiques généraux dans sa clinique. Cela certes est une fâcheuse nécessité pratique ; mais on ne peut pas s’insurger contre les faits.

Passant ensuite à nos expériences sur les hallucinations provoquées, M. Bernheim montre que nous sommes tombés dans les mêmes erreurs. Il choisit des malades analgésiques ; « le chatouillement des narines ne les faisait pas sourciller », donc « il ne pouvait être question de simulation » (p. 102). Dans des expériences relatées d’une manière un peu diffuse, l’auteur montre que le prisme placé devant un des deux yeux ne dédouble pas l’hallucination visuelle, que la lorgnette et autres instruments d’optique ne produisent non plus aucune modification et qu’enfin tout s’explique par la même cause, la suggestion. Enfin, le chapitre se termine par une adjuration à laquelle je ne puis rester insensible : « J’aime à croire qu’après ces contre-épreuves expérimentales, le jeune écrivain de la Revue philosophique mieux éclairé sur la question, aura à cœur de rectifier certaines de ses appréciations critiques. »

Avant de répondre, je serais curieux de savoir si M. Bernheim connaît les articles sur l’hallucination que j’ai donnés à la Revue philosophique : Puisqu’il prétend critiquer les conclusions de ce travail, on est en droit de lui demander s’il a commencé par en prendre connaissance. Je