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de commencer par reproduire, avec cette suggestion qu’il manie si bien, tous les phénomènes physiques des trois états, hyperexcitabilité, plasticité cataleptique avec les caractères que l’on sait, léthargie associée à la catalepsie ou au somnambulisme, etc. ; et quand ce résultat aurait été complètement obtenu, il aurait été temps de se demander si à la Salpêtrière la suggestion avait joué un rôle quelconque et si l’existence de la suggestion exclut nécessairement tous les autres procédés. Quant à nous, nous ne prenons aucun parti au milieu de ces controverses ; plus patient que M. Bernheim, nous attendons la lumière de faits nouveaux, qui sont indispensables pour trancher un débat de cette nature.

Après avoir regretté que « tant d’esprits distingués égarés par une première conception erronée soient conduits à une série d’erreurs singulières qui ne leur permettent plus de reconnaître la vérité », M. Bernheim dirige l’attaque contre M. Féré et contre moi dans des pages qui portent le titre bien sévère de « Illusions expérimentales ». Rien ne lui paraît plus curieux à ce point de vue (au point de vue des erreurs des esprits distingués) que nos expériences de transfert. D’un bout à l’autre, c’est de la suggestion. Nous avions pensé éliminer cette cause d’erreur en faisant des expériences dans la léthargie et la catalepsie vraies, du type pur, états inconscients où le sujet est étranger à ce qui se passe autour de lui. Nous nous étions trompés. M. Bernheim affirme, bien qu’il n’ait jamais opéré que sur des somnambules, que tous les sujets restent conscients à tous les degrés de l’hypnotisation. Les expérimentateurs de la Salpêtrière, qui ont cru que la soi-disant léthargie présente une inconscience apparente, « ont en réalité élevé leur sujet dans cette suggestion de ne pas réagir dans cet état. Rien de plus facile que de créer artificiellement un état analogue chez tout somnanbule. »

Mais comment l’auteur n’a-t-il pas compris que si sa supposition gratuite était vraie, nos léthargiques élevés dans la suggestion de ne rien voir et de ne rien entendre pendant l’état de léthargie seraient devenus bel et bien aveugles et sourds de par le fait de cette suggestion toute-puissante ? Et dans ce cas, comment admettre que des sujets mutilés de la sorte pourraient éprouver les effets de l’attention empêchante quand on approche un aimant de leur bras ?

Quittant les hypothèses, M. Bernheim expose les expériences qu’il a faites sur le transfert : il les a déjà publiées dans la Revue philosophique. Toute son argumentation revient à dire qu’il n’a pas pu produire de transfert autrement que par suggestion et que, par conséquent, la suggestion donne la clef de ce phénomène comme de tous les autres (p. 101).

Nous avions cependant énuméré les précautions que nous avions prises contre cette cause d’erreur ; engagés dans des recherches nouvelles, nous étions incapables de prévoir dans la plupart des cas ce qui allait se produire ; nous avons caché l’aimant sous un linge, et les mêmes effets se sont produits ; nous avons rendu l’aimant invisible par