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croyance ; il ne voit pas que la volonté, « l’un des principaux organes de la créance », c’est la liberté de l’esprit.

Dans le pari, il ne trouve « ni l’emploi d’une méthode sceptique, ni l’emploi d’une doctrine sceptique » (p. 59 et sq.). Le pari est proposé, suivant lui, pour faire croire quelques athées, et Mitton, peut-être. Le fond, déclare-t-il, peut se ramener à ceci que l’espérance du ciel et la crainte de l’enfer déterminent à croire, et, ceci dit en réponse à ceux qui ont qualifié le pari de scandaleux, le conseil ne fait que reproduire cette parole sacrée : La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Il fallait gagner la volonté. Le pari n’est pas pour initier, il est pour préparer. — Eh bien ! non, le pari n’est pas pour amener à croire ; il suppose la liberté de croire. L’on peut être embarqué sur un autre bâtiment ; il est des situations pratiques différentes ; encore un pour et un contre, il faut parier ; autre enjeu, autre intérêt : toujours l’exercice de la liberté de l’esprit. Sans doute, Pascal a prétendu faire accepter de la volonté, par le moyen du pari, une religion particulière ; en proposant au libertin ce jeu à jouer : Dieu est ou il n’est pas, il savait tout le dessous du jeu ; mais, avec le pari, le scepticisme est en fondement dans l’Apologie.

Que si, pour convaincre l’esprit, dit M. Droz au ch.  III, Pascal n’a pas invoqué les preuves physiques, les preuves métaphysiques, et que si, uniquement, il a invoqué les preuves morales et historiques, il n’en dogmatisait pas moins pour lui-même. — Pour lui-même, mais cette « préférence » donnée aux preuves historiques, aux preuves morales surtout, n’est pas sans signification ; avec la question de méthode, il y a une question de doctrine. Et pourtant, parlant de la preuve qui n’est pas démonstration, qui est vérification, parlant des fondements de la religion que Pascal aurait eu le dessein de dégager, M. Droz parle aussi du bel ouvrage de M. Lachelier, le Fondement de l’induction ; le rapprochement est ingénieux.

La deuxième partie de la thèse est divisée en trois chapitres : Le système des contradictions ; Résolutions des contradictions logiques en faveur du dogmatisme ; Opinions diverses de Pascal sur divers problèmes de philosophie.

Dans le livre des Pensées, il en est de sceptiques, il en est de dogmatiques ; celles-ci embarrassent ceux qui tiennent pour le scepticisme de Pascal ; celles-là n’embarrassent pas M. Droz (p. 176 à 181) : Là où l’on a vu dans les Pensées les contradictions d’un système, il faut voir un système de contradictions ; la doctrine des contraires explique tout dans Pascal, parce qu’elle explique tout dans l’homme dont la nature est tenue pour monstrueuse par les jansénistes. « Opposant au scepticisme comme faux, un faux dogmatisme, Pascal tenait pour vrai le vrai dogmatisme. »

L’auteur recherche quelles ont été les pensées intimes de Pascal sur divers problèmes : Dieu, l’âme, la morale, la valeur de la science. Il reconnaît que le problème de l’existence de Dieu a été négligé par Pascal ; il reconnaît que Pascal, qui se défiait de la morale des philosophes,