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ANALYSES.novicow. La politique internationale.

sciemment, je crois, en tous cas sans jamais le formuler, au principe de l’imitation, que je me suis efforcé ici de mettre en lumière (voy. p. 197 de son ouvrage, par exemple). Il ne le formule pas ; il n’en a pas une conscience précise, et c’est fâcheux ; car il lui arrive de côtoyer la vérité sans y aborder. Citons ce passage entre autres (p. 45) : « Les sentiments élaborés par l’élite sociale vont, par le mécanisme de l’échange, se répandre peu à peu dans les autres classes et en élever le niveau. » Ainsi, l’action dont il s’agit serait mécanique, et serait un échange, un rapport économique ! Mais l’auteur protestait, au début de son livre, contre le point de vue mécaniste importé en science sociale. D’ailleurs, où est l’échange ici ? Est-ce que le gentleman imite à son tour le fermier ou le paysan qui l’imite ? Est-ce que le sénateur gallo-romain copie ses colons dont il est imité ? Il y a ici un rapport unilatéral, une sorte de don, de don involontaire, mais gratuit et fécond, nullement un troc, et c’est seulement, plus tard, que, par une suite et une complication naturelle, l’imitation devient réciproque. Il y a, à vrai dire, une action psychologique des plus délicates, des plus continues et des plus profondes, que les moyens d’investigation les plus subtils et les plus indirects peuvent seuls révéler peut-être. Au demeurant, M. Novicow a un grand faible pour les aristocraties en général. Il ne se gêne pas pour écrire que « le suffrage universel est une absurdité ». Il attache aussi une grande importance, et non sans raison, à l’influence des salons. Mais il aurait dû voir, et le principe de l’imitation lui eût appris que cette influence mondaine, en somme, favorise la tendance démocratique des sociétés. L’égalité qui règne dans les salons, fils des cours, et qui ne règne nulle part aussi précoce et aussi complète que là, est le type qui, généralisé, devient l’égalité des relations dans les démocraties modernes. Il ne dissimule pas enfin son enthousiasme chevaleresque pour la beauté et la grâce féminines. « L’homme, dit-il, qui, le premier, a aimé une femme d’un amour tendre autant que passionné, celui qui l’a divinisée le premier, celui qui l’a placée sur un piédestal pour l’adorer comme une déesse, a rendu un aussi grand service à l’humanité que l’homme qui a découvert le feu. » Quelque vieillard frileux sera peut-être tenté de penser que c’est beaucoup dire. Mais tous les jeunes gens et toutes les jolies femmes seront à coup sûr de l’avis de M. Novicow.

En voilà assez pour donner une idée du charme et de l’intérêt de son ouvrage, que nous recommandons sincèrement aux lecteurs de la Revue.

G. Tarde.

Édouard Droz.Étude sur le scepticisme de Pascal considéré dans le livre des « Pensées ». Paris, Félix Alcan, 384 p. in-8o.

Quelle entente du scepticisme avait Cousin, on le sait ; M. Droz ne