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NOTES ET DISCUSSIONS


LES DIVERSES ÉCOLES HYPNOTIQUES.

L’autorité du nom de M. Delbœuf et l’intérêt qui s’attache à tout ce qu’il écrit me déterminent à compléter par quelques observations son dernier article sur l’Hypnotisme[1], dont certains points pourraient donner lieu à des interprétations inexactes. En essayant de concilier les expérimentateurs de la Salpêtrière avec ceux de Nancy, l’auteur n’a pas signalé, selon moi, la question qui les divise. Il faut tout de suite mettre hors de cause les phénomènes de suggestion ; car les sujets de la Salpêtrière sont susceptibles de présenter tous les effets de suggestion qu’on a décrits à Nancy, et qui d’ailleurs avaient été signalés pour la plupart, antérieurement aux travaux de MM. Liégeois, Bernheim et Beaunis, par mon excellent ami M. Ch. Féré, médecin de la Salpêtrière. À mon avis, le dissentiment des deux écoles porte principalement sur les phénomènes physiques de l’hypnose, tels que les contractures léthargiques, les attitudes cataleptiques, etc. Les expérimentateurs de Nancy ne retrouvent pas chez leurs sujets ces phénomènes physiques qui ont été décrits avec tant de soin par M. Charcot et ses élèves. D’où vient une différence aussi capitale ?

M. Beaunis pose la question, mais il s’abstient de la résoudre, faute de documents suffisants. M. Bernheim, moins prudent, affirme sans aucune preuve que les trois états décrits par M. Charcot et les signes physiques qui les accompagnent sont de simples produits de la suggestion. M. Delbœuf, examinant à son tour cette grave question, essaye de la résoudre par la voie expérimentale. Mais les faits qu’il nous rapporte nous paraissent insuffisants ; en effet, ces faits démontrent seulement que l’exemple, l’imitation d’un malade par un autre, — c’est-à-dire la suggestion, — a pour résultat de changer certaines habitudes psychiques du sujet. À la vérité nous nous en doutions un peu. Qu’on relise avec soin son article : on y verra simplement que trois sujets, façonnés par Donato, prenaient une attitude agressive pendant le sommeil, s’attachaient à l’opérateur, le bourraient de coups de poing quand il détournait la tête, et accomplissaient avec violence toutes les suggestions d’acte, comme de marcher, de danser, etc. L’auteur met ces sujets turbulents en présence d’une jeune fille qui, pendant son sommeil provoqué, restait tranquillement sur sa chaise (p. 165) ; il fait remarquer aux sujets de Donato la tranquillité de la jeune fille, puis il les engage à se conduire comme ce modèle ; et ceux-ci l’imitent de point en point, en ne donnant plus aucun signe de sauvagerie ni de violence. On voit

  1. Revue philosophique, août 1886.