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LE CONCEPT DE CAUSE


Il peut paraître superflu de revenir une fois encore sur le concept de cause, aujourd’hui surtout que les admirables analyses de Hume, l’assentiment de la presque totalité des philosophes, et enfin les méthodes scientifiques de mieux en mieux comprises semblent avoir consacré définitivement la théorie d’après laquelle la causalité se réduirait à un rapport de succession constante entre deux phénomènes. Cependant, à y regarder de près, on s’aperçoit vite que cette théorie, de quelque crédit qu’elle jouisse dans le monde savant, laisse subsister des scrupules dans un bon nombre d’esprits. Sans compter les dissidents, qui se rattachent presque tous à la scolastique ou à Maine de Biran, beaucoup se demandent si la conception généralement adoptée au sujet de la causalité est vraiment satisfaisante, et surtout si elle est complète. Un doute à cet égard nous est venu, comme il est venu à tant d’autres, et nous prenons la liberté de soumettre aux lecteurs de la Revue les efforts que nous avons faits pour le lever.

Nous eussions dû peut-être nous borner à l’examen du concept de causalité tel que nous venons de l’exposer : on nous permettra pourtant de passer en revue d’autre théories qui comptent encore aujourd’hui des partisans, et particulièrement celle de la causalité métaphysique. Du reste nous serons très court sur ces préliminaires.

I

Qu’est-ce donc qu’une cause ? On conçoit d’abord que, sur une question de cette nature, le sens commun doive avoir une opinion : et en effet, le sens commun n’est pas embarrassé pour y répondre. Une cause, aux yeux du sens commun, c’est un individu, c’est un être corporel ou spirituel, plutôt corporel puisque les êtres spirituels ne sont point perçus par nous, mais, dans tous les cas, c’est un être réel. Par exemple il semble de toute évidence que la cause de la