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DE LA PAROLE & DES SONS INTÉRIEURS


I. Introduction.

Qu’il y ait des cas de maladie où la faculté de comprendre les paroles entendues vient à se perdre, tandis que l’ouïe est conservée, c’est un des faits les mieux constatés. Comme conséquence de ce fait résulte la théorie que l’ouïe seule ne suffit pas pour la compréhension du langage ; il doit y avoir dans notre conscience autre chose encore qui nous fait comprendre la parole prononcée.

Ne devrait-on pas considérer comme impossible que des hommes de science n’admettent pas la conséquence qui en découle ? Mais un examen attentif nous apprend que l’apparence est en faveur de ceux qui croient qu’il suffit de l’ouïe pour que nous comprenions le langage.

Il nous semble que nous comprenons le bruit des paroles prononcées, parce que nous ne tenons pas compte de ce qui se passe en nous et que nous ne savons pas qu’au bruit que nous percevons, aux images auditives, s’ajoute encore un autre travail interne. Je me suis déjà occupé de ce processus dans un travail antérieur[1] ; mais je reviendrai ici même sur cette question.

Ce qui se passe en nous, comme je l’ai alors prouvé, est un langage intérieur, une articulation faible si peu perceptible que, comparée aux images auditives plus vives, nous ne la remarquons pas d’habitude. Il peut être utile de comparer ce faible langage intérieur au noyau d’un fruit que sa chair recouvre et qui n’est aperçu qu’après qu’elle en a été enlevée. C’est ainsi que ce travail intérieur qui, à l’audition de la parole, était recouvert par les images auditives n’apparaît que quand celles-ci ont disparu.

Les images auditives laissent une empreinte inégale dans la mémoire selon les individus. Il y en a chez lesquels elles disparaissent au bout de quelques semaines. Ils se ressouviennent à la vérité encore pen-

  1. Étude sur les représentations de la parole. Vienne. Braumüller. 1881.