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Il se produit quand un acte se rattache, se lie étroitement à ces tendances et que cependant il est plus ou moins empêché par d’autres tendances moins profondément ancrées. Remarquons que l’obligation n’est pas proportionnelle au désir ou à une émotion quelconque que nous ferait éprouver la mise en jeu du système psychique fondamental ; elle n’est pas due non plus uniquement aux conditions d’existence, comme la vie sociale. Les tendances profondes, qui constituent notre personnalité, ne donnent lieu à des phénomènes de conscience un peu vif que lorsqu’elles sont fortement contrariées ; on sait, ce qui s’accorde avec ceci, que l’habitude tend à émousser les sentiments tout en facilitant les actes. Souvent aussi, on peut le remarquer, la perception de l’obligation n’est accompagnée d’aucun sentiment bien vif ; c’est une sorte d’idée qui accompagne la représentation plus ou moins symbolique des actes qu’il faut accomplir.

Ces actes nous apparaissent comme obligatoires ; s’ils nous paraissent tels, ce n’est pas que nous nous croyions déterminés irrésistiblement à les accomplir, puisque, quelquefois, on se sent obligé à une chose et que c’est une autre chose que l’on fait ; mais nous les considérons comme convenant à la fois à notre personnalité et aux circonstances. Si l’on y réfléchit, on verra, je crois, que ce mot de convenance ne désigne pas autre chose qu’un accord, une harmonie, un rapport de finalité entre différentes choses. Ici la convenance d’un acte signifiera l’harmonie de cet acte avec les circonstances et avec l’ensemble des tendances qui constituent le moi. C’est toujours d’une systématisation qu’il s’agit, et c’est de l’importance de la systématisation qu’il s’agit d’établir, c’est-à-dire de la puissance, de la complexité et de l’unité de la tendance avec laquelle s’harmonise l’acte qui nous paraît obligatoire, que cet acte tire précisément ce caractère d’obligation qui lui donne une marque propre.

L’obligation nous apparaît ainsi comme une sorte de logique ; nous considérons comme obligatoires les actes qui nous paraissent dériver logiquement d’une idée ou d’un sentiment qui s’impose à nous et que nous acceptons après l’avoir plus ou moins critiqué ou même sans critique aucune, les actes qui s’harmonisent avec un état de conscience plus ou moins vif, plus ou moins net, mais qui indique une orientation durable de l’esprit, une de ces tendances fondamentales que j’indiquais tout à l’heure.

Nous arrivons à cette constatation que l’obligation consiste en ceci : que l’idée de l’acte qui se présente comme obligatoire est dans un rapport d’association systématique avec une tendance fondamentale, et que c’est cette association systématique qui donne à l’idée de l’acte le caractère obligatoire qui lui est particulier. Les idées d’au-