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PAULHAN.le devoir et la science morale

qu’elle n’en est pas moins l’expression d’un certain déterminisme d’espèce particulière, d’un déterminisme systématisé.

Nous avons déjà rencontré ce déterminisme dans l’acte réflexe composé, nous trouvons dans les faits de ce genre une combinaison de finalité inconsciente, immanente, si l’on veut, et de déterminisme rigoureux. Mais nous trouvons une combinaison semblable dans bien des actes plus compliqués qui s’accompagnent de conscience ou dans des tendances qui n’aboutissent pas à l’acte. L’acte par lequel nous mangeons, de manière à permettre à notre organisme de continuer ses fonctions, est un acte de cette nature où se rencontrent encore ces caractères de finalité et de déterminisme, car le déterminisme et la finalité ne s’excluent pas, et la finalité n’est qu’un mode du déterminisme. De même, tout acte par lequel nous employons un moyen en vue d’obtenir une fin quelconque peut s’exprimer par la même formule abstraite : peu importe que la conscience de la fin, du moyen et de l’acte vienne se joindre à l’acte lui-même. Les caractères essentiels de l’acte n’en sont pas changés, et la logique d’un acte et la moralité d’un acte ne sont que l’expression de la réunion dans cet acte d’un haut degré de finalité et de causalité, que cette finalité et cette causalité soient aperçues par nous ou qu’elles ne le soient pas.

Mais ces systèmes d’éléments dynamiques nerveux et psychiques, qui se complètent par des actes, ne se complètent pas toujours, et bien souvent la première partie du système apparaît seule et tend seulement à se compléter sans pouvoir y parvenir. Cela peut arriver pour diverses causes intérieures ou extérieures, soit pour un vice d’organisation du système lui-même, soit à cause des obstacles qu’il rencontre dans l’organisme ou dans le milieu. Un enfant très jeune, par exemple, a de la peine à porter un verre à sa bouche : ici, les divers éléments organico-psychiques ne sont pas encore suffisamment coordonnés ; un homme a envie de manger, se sentant de l’appétit, mais il a l’estomac en mauvais état, craint de se rendre malade et s’arrête : ici le système est empêché de se compléter par un obstacle rencontré à l’intérieur de l’organisme et constitué par un autre système psycho-organique ; je veux écrire une lettre, je prends ma plume, je la plonge dans l’encrier et je ne trouve point d’encre. Ici le système est entravé par un obstacle extérieur.

C’est dans la mécanique des systèmes psycho-organiques que nous trouvons les conditions d’apparition du phénomène de l’obligation en général et de l’obligation morale en particulier. Ils apparaissent de temps en temps et dans des circonstances que l’on peut préciser, dans le jeu compliqué des forces psychiques organisées en complexus différents qui s’harmonisent ou s’entravent. Nous avons