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idées, toutes nos volitions peuvent se ramener à un acte réflexe composé et systématisé, arrêté dans son exécution, et que par conséquent l’idée et le sentiment de l’obligation en général et de l’obligation morale en particulier doivent se ramener à l’arrêt d’une tendance, c’est-à-dire d’un réflexe composé et systématisé dans des conditions particulières, et avec des caractères particuliers qu’il s’agit de déterminer. Le type idéal de l’activité est l’activité qui présenterait au plus haut degré le caractère de la systématisation, c’est-à-dire les caractères de la complexité, de la finalité et de la rapidité que l’inconscience accompagne inévitablement quand ils arrivent à un certain degré d’élévation. Cet idéal, l’homme ne l’a pas atteint encore pour beaucoup de ses actes, et les actes même, qui sont d’ordinaire purement réflexes, peuvent en certaines circonstances dégénérer en actes réfléchis et conscients : il n’y a dégénérescence, bien entendu, que quand la conscience est produite par l’intervention de facteurs inutiles, comme lorsque l’attention portée sur un acte empêche de l’accomplir facilement, et non lorsque l’acte réflexe devient conscient par suite de l’association de nouveaux éléments psychiques qui, mal coordonnés encore, augmentent pourtant d’une manière utile la complexité de l’acte, et peuvent donner lieu plus tard, théoriquement du moins, à un acte réflexe plus complexe et aussi unifié que le premier. Nous avons donc à rechercher, en prenant l’acte réflexe comme type et comme idéal, les caractères propres du fait psychologique du sentiment et de l’idée d’obligation. Je fais remarquer une fois pour toutes que j’étudie indifféremment l’idée de l’obligation ou le sentiment de l’obligation, le sentiment et l’idée ne différant que par des caractères dont il importe peu de tenir compte dans un travail comme celui-ci.

On considère en général l’obligation morale, et l’obligation pour ainsi dire nécessaire, résultant de la domination exercée par une tendance quelconque, un désir, une passion, une idée même, comme des choses entièrement différentes, et même opposées. À mon avis c’est une erreur ; ces deux phénomènes, quelles que soient d’ailleurs les différences qui les séparent, ont plusieurs caractères essentiels en commun, l’obligation morale n’étant que la forme la plus haute de l’obligation en général. Ce sont ces caractères communs que nous allons essayer de retrouver.

Nous recherchons ainsi les origines de l’obligation et du devoir en dehors de toute expérience de plaisir ou de peine, et seulement dans le fait le plus général de la vie, dans la loi même de l’organisation. Nous n’aurons pas même recours aux tendances sociales dont Darwin a fait un des principaux facteurs du sens moral et de la série de phé-