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ANALYSES.g. campili. L’hypnotisme et le droit criminel.

Garofalo, dans son remarquable ouvrage sur la Criminologie, conseille d’appliquer au criminel qui a agi dans un état d’hallucination ou de somnambulisme le même traitement qu’à ceux qui ont commis un délit dans un accès épileptique ou hystérique, ou par l’effet d’une manie impulsive ; c’est-à-dire la réclusion dans un hôpital-prison pendant un temps indéterminé, jusqu’à complète guérison, ou jusqu’à la transformation de la maladie en un autre état rendant absolument improbable la répétition du délit (p. 449). M. Campili pense qu’il serait difficile d’appliquer la même peine à l’hypnotique criminel ; car il n’agit pas de son propre mouvement, mais sous l’impulsion d’un tiers qui est le véritable coupable ; l’hypnotique est entre les mains de l’opérateur un moyen, un instrument de crime, quelque chose comme une arme à feu ou un couteau. C’est donc l’opérateur qui doit porter la responsabilité entière de l’acte. Distinction subtile. L’hypnotisable est, comme l’épileptique, un malade dangereux, puisqu’il suffirait d’une manœuvre très simple pour lui faire commettre un crime. Il est absolument nécessaire de le mettre hors d’état de nuire. D’ailleurs, il est probable que la menace d’une punition exercerait une action préventive sur l’esprit des personnes qui se soumettraient volontairement aux pratiques de l’hypnotisation ; nous croyons, en effet, que beaucoup de personnes qui sont peu hypnotisables peuvent résister avec succès à l’hypnotisation et doivent être rendues responsables du consentement qu’elles donnent à l’expérience.

À plus forte raison devrait-on conclure en ce sens si l’hypnotique savait d’avance, avant d’être endormi, la suggestion criminelle qu’on doit lui donner. Il y a là une hypothèse curieuse que M. Campili n’a pas prévue, et que certains faits de nous connus rendent assez vraisemblables. On trouvera peut-être un jour dans quelque bande d’escrocs ou d’assassins un sujet hypnotisable, qui, de son plein gré, se prêtait aux suggestions criminelles ; l’utilité de la suggestion, en pareille circonstance, se comprend, car les personnes qui agissent sous l’empire d’une suggestion ont plus d’audace, de courage, et même d’intelligence que lorsqu’elles agissent de leur propre mouvement. Nous connaissons des malades qui, redoutant d’être endormis par un individu qu’ils détestent, demandent à une suggestion hypnotique faite par un de leurs amis une force de résistance qu’ils n’ont pas naturellement. D’autres voulant accomplir tel acte, telle démarche, et craignant que le courage ne vienne à leur manquer au moment suprême, se font suggérer d’avance l’acte qu’ils désirent accomplir. Dans ces circonstances, l’hypnotique devrait être puni à titre d’auteur principal, et l’opérateur ne serait qu’un complice.

A. B.