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samment précises. Par exemple, M. Beaunis voulant démontrer que l’articulation des mots peut, comme l’attitude des membres, déterminer une suggestion, dit à un de ses sujets : À votre réveil, vous direz à Madame X… : Je voudrais bien manger des cerises. — À son réveil, le sujet exécute l’ordre donné, et, en revenant chez lui, il achète des cerises. À notre avis, cette expérience n’est pas aussi probante que M. Beaunis l’imagine. Est-il bien sûr d’avoir suggéré seulement l’articulation de la phrase ? Le sujet n’a-t-il pas compris qu’on lui suggérait en même temps le désir ? Il nous semble que l’expérience repose sur une pointe d’aiguille. Si nous présentons cette critique, c’est qu’elle peut s’appliquer à un grand nombre d’autres expériences de M. Beaunis. En terminant, nous souscrivons à la conclusion de l’auteur : l’hypnotisme est une véritable méthode de psychologie expérimentale. Cette idée n’est pas neuve, mais il est bon de la répéter, et, pour être juste, il faudrait ajouter que c’est à la Salpêtrière qu’ont été faites les premières applications de l’hypnotisme à la psychologie.

A. Binet.

Dr Berjon. La grande hystérie chez l’homme, d’après les travaux de MM. Bourru et Burot, brochure in-8o, 78 pages, 10 planches. Paris, 1886.

Le Dr Berjon a eu l’heureuse idée de réunir les articles que ses maîtres ont fait paraître pendant ces deux dernières années sur l’action des médicaments et des substances toxiques à distance, sur les changements de personnalité, et sur des phénomènes divers qui se rattachent plus ou moins directement à l’hypnotisme. La plupart des expériences ont été faites sur un sujet hystérique mâle, dont on nous donne ici l’observation clinique très détaillée (p. 7 à 16). Nous ne reviendrons pas sur les changements de personnalité ; ce sont là des faits que les lecteurs de la Revue connaissent déjà (voir les numéros d’octobre 1885 et de janvier 1886). L’action des médicaments à distance a aussi fait l’objet de communications qui ont été publiées à leur date dans la Revue. Les expériences d’hypnotisme contiennent quelques faits nouveaux. Les observateurs ont constaté que leur sujet présentait certains points d’inhibition ; ce sont des régions du corps, dont l’excitation suspend toutes les fonctions de la vie de relation. Le sujet ne voit plus, n’entend plus ; tous ses sens sont abolis ; il reste immobile et tomberait bientôt si le contact se prolongeait un peu. À peine le doigt est-il enlevé du point d’inhibition que le malade fait une profonde inspiration avec bruit pharyngien et continue le geste et le mot commencés au moment de l’expérience. Ces zones d’inhibition doivent être rapprochées des zones hystérogènes (Charcot), hypnogènes (Pitres), dynamogènes (Féré), érogènes (Chambard), réflexogènes (Heideinhain), etc. On trouve aussi dans la brochure de M. Berjon le récit complet des hémorrhagies provoquées et des stigmates sanguinolents, faits qui