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ANALYSES.b. pérez. La psychologie de l’enfant.

Sur les qualités de l’attention, aptitude à se fixer, à se concentrer sur un objet, à varier ses objets, etc., il nous donne du moins, après James Sully, des avis très utiles, qu’il a su mettre en saillie et comme en action par quelques exemples.

Abstraction et généralisation. — Je ne trouve rien à reprendre aux vues de M. Pérez, quand il nous montre l’abstraction commune à l’animal et à l’homme, sauf la différence de degré, « ce qui est bien quelque chose » ; quand il nous montre d’ailleurs l’enfant généralisant à outrance par « pauvreté d’idées vraiment générales », c’est-à-dire sans avoir l’idée nette que le terme appliqué par lui en un cas donné peut aussi s’appliquer à d’autres cas ; quand il réfute la théorie de Rosmini, ce philosophe idéaliste qui voulait dire à l’enfant les noms d’espèce et de genre avant les noms individuels, et n’en retient que le conseil de faire entendre souvent le nom de fleur à côté des noms de rose, d’œillet, celui d’animal à côté de ceux de chat, de chien, etc. Il nous donne, ici encore, de nouvelles raisons d’accepter que l’abstraction portant sur ses actions, ses sentiments, ses idées et ses mouvements développe chez l’enfant, ce psychologue sans le savoir, la connaissance qu’il a de soi-même. Ce qui contribue à lui faire distinguer, peu à peu, les plus saillants de ses états mentaux, c’est la distinction de plus en plus abstraite et précise qu’il fait chez les autres des mouvements exprimant les émotions spéciales. Et plus l’observation objective a fait de progrès, plus l’observation introspective en peut faire.

L’enfant s’attache d’ordinaire, par faiblesse d’abstraction (p. 166), aux signes émotionnels les plus communs. Il saisit plus d’un détail que l’homme n’a pas comme lui intérêt à observer, parce qu’il est futile. Il lui arrive de tomber juste sur quelque signe auquel nous attachons moins de valeur, préoccupés que nous sommes de ce qui est au delà des apparences. Et c’est aussi pourquoi l’enfant, dont l’imagination constructive est en réalité fort pauvre, fort limitée, a paru à beaucoup d’auteurs avoir une faculté d’imagination supérieure même à celle de l’homme.

Nos diverses émotions s’alimentent d’abord des perceptions les plus caractéristiques de nos premières années (nous leur devons l’attrait, par exemple, de telle ou telle couleur), qui leur sont un support « d’abstractions sensibles ». Mais l’abstraction faible encore reste à la merci du sentiment, et cela se voit chez les femmes en général, aussi bien que chez les enfants. Ils ont de la peine à se détacher des états actuels pour les juger, et c’est plutôt quand ces états sont passés ou affaiblis qu’ils y peuvent porter une attention impartiale. « Quand il s’agit des femmes et des enfants, écrit M. Pérez, c’est presque toujours du premier mouvement qu’il faut se défier, car il peut n’être pas le bon, » p. 177. — Que cette pensée est piquante et juste !

Inférences. — M. Pérez refuse à l’enfant de raisonner par concepts généraux ; il ne pense pas que la tendance à généraliser manifestée parfois par ce petit être soit chez lui l’indice d’une inférence du particulier au général et du général au particulier. Il retire sa main de la