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vigoureuse poussée. Il sera donc curieux d’étudier jusqu’à quel point le tempérament dépend de l’éducation, quelles différences la mémoire émotionnelle comporte quant aux sexes, etc. Il semblerait que l’élément affectif de la perception, et partant de la réminiscence, domine chez la femme, et en général aussi chez l’enfant. En tout cas, je suis d’avis avec M. Pérez que l’éducation doit tenir compte de la tendance héritée, sans jamais désespérer de lutter contre elle avec succès.

Quant à l’influence de l’imagination sur les vocations, soit artistiques, soit scientifiques, soit industrielles et mécaniques, l’observation pure et simple de l’enfant n’a pas grand’chose à nous apprendre. On recherchera avec plus de profit, quand une aptitude est formée de toutes pièces, quels faits dans le passé ont révélé, excité, combattu ou modifié la vocation naturelle. Aussi M. Pérez emprunte-t-il cette fois des exemples à l’histoire. Et certes, les anecdotes relatives à Aragò, à Edmond About, au jeune Olivier Madox Brown, ne manquent pas d’intérêt. Je n’en dirai pas autant de la citation biographique relative à Victor Hugo, empruntée par l’auteur à Paul de Saint-Victor.

Attention. — Chez l’enfant de quatre à cinq ans, comme chez l’animal adulte, une sélection naturelle, dit M. Pérez, opère sur les sentiments qui servent de stimulants à l’attention. Il signale l’action soudaine, mais passagère, de l’attention chez un chat âgé de deux à cinq mois, tandis que, vers l’âge d’un an, l’attention se règle souvent d’après la valeur attribuée à quelques mobiles. Ceux qui se rattachent à l’instinct de conservation arrivent premiers, et il les note dans l’ordre suivant, qui du reste est souvent modifié : la peur, la faim, la convoitise sensuelle, la jalousie, le jeu, les caresses des protecteurs.

Dès l’âge de trois ans, les sentiments de l’enfant sont organisés en une hiérarchie utilitaire. « La sociabilité, cette seconde forme de l’égoïsme, prime toujours le mobile de la curiosité désintéressée, qu’elle concourt d’ailleurs si puissamment à développer, » p. 107. Ici M. Pérez donne des exemples intéressants du soutien que prêtent à l’attention soit la sociabilité, soit la sympathie. Il n’a pas négligé non plus de noter les rapports de l’attention avec les mouvements (Gratiolet admirait l’heureux choix de ce mot, tendere ad). J’ai noté moi-même deux séries de mouvements, les uns concomitants et dont l’effet paraît être de favoriser l’attention en faisant dériver, pour ainsi dire, un courant nerveux qui la viendrait traverser, les autres qui relèvent directement du fait d’être attentif et participent du courant moteur de l’attention. Je citerai, en exemple des premiers, le cas d’un collégien distrait de sa lecture par un mal de tête et qui fournit à son mal une sorte d’écoulement en frappant la table à coups rythmés du plat de son couteau à papier ; en exemple des seconds, le cas d’un myope dont le clignement habituel des paupières s’accélère extraordinairement dès qu’il s’applique à suivre une explication verbale un peu difficile. Un observateur aussi sagace que M. Pérez pourrait recueillir chez les enfants nombre de faits de cet ordre.