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REVUE GÉNÉRALE.penjon. Psychologie d’Aristote.

degrés bien marqués dans cette échelle qui va de la plante aux êtres capables de penser et de vouloir. Aristote en distingue quatre sortes qui répondent à quatre degrés du développement physique. La première et la plus simple se révèle dans les êtres qui n’ont d’autre fonction que de se nourrir, croître et se reproduire. C’est la fonction de se nourrir qui constitue la vérité, la véritable signification de la plante. La première entéléchie est donc la parfaite réalisation de la vie nutritive et végétative. La seconde est dans l’exercice de la perception sensible, qui distingue les animaux ; la troisième, dans le fait de désirer et de se mouvoir, qui est le propre des animaux supérieurs ; enfin la quatrième implique l’action de l’intelligence et de la raison. En résumé, l’âme végétative, l’âme sensitive, l’âme motrice et l’âme pensante. Elles sont réunies dans l’homme.

Mais dirons-nous qu’elles sont, dans l’homme, des parties (μόρια) différentes, et qu’il n’y a pas d’unité dans l’âme humaine ? Ce sont plutôt, pour Aristote, des aspects différents que des parties. C’est par abstraction seulement que nous pouvons distinguer en nous ces facultés, ou ces âmes ; elles ne sont que des faces diverses de l’action mentale. C’est le même esprit qui subit des sensations et qui forme des jugements, et ces distinctions ne correspondent qu’aux différentes manières dont ce même esprit se comporte avec la matière de la connaissance. Aussi, l’auteur du Traité de l’âme n’attache-t-il pas beaucoup d’importance à sa classification des facultés dont il ne donne pas toujours exactement la même liste. Mais l’âme en fait l’unité. Elles forment ensemble une série ascendante, de telle sorte que les supérieures supposent nécessairement les inférieures. Il n’y a pas de perception sans nutrition, pas de pensée sans perception. « Nous devons nous rappeler, d’une part, dit M. Wallace, qu’aucune fonction élevée de l’âme ne peut s’exercer sans présupposer un développement inférieur. Mais, d’autre part, nous devons aussi nous rappeler que chacune de ces facultés est une faculté de l’âme, et que c’est seulement par rapport à l’unité de l’âme que nous pouvons bien les comprendre. Nous n’oublierons pas non plus la distinction établie par Aristote entre ce qui est premier dans l’ordre du temps et ce qui est premier dans l’ordre de la pensée. Si, dans certaines théories modernes, on a souvent négligé la distinction entre la nature et l’histoire, il insiste à plusieurs reprises sur ce principe que l’acte précède la puissance et que, si dans le temps la forme la plus élémentaire a la priorité, pour la pensée, au contraire, et dans la réalité, la plus élevée, la plus développée est toujours la première. En lisant son histoire naturelle de l’âme, comme nous pouvons l’appeler, ayons toujours présente à l’esprit la recommandation qu’il nous a faite de distinguer entre l’étude du développement chronologique d’un être et celle de son essence. »

Aristote étudie successivement ces différentes facultés. Nous ne dirons rien de la faculté végétative, condition de toutes les autres, qui donne lieu cependant à d’assez curieuses questions dans le Traité de