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FÉRÉ.impuissance et pessimisme

nous vu, de déterminer des phénomènes dits d’arrêt sur la sensibilité et la motilité normales chez certains sujets.

Si sur quelques hystériques présentant une anesthésie prédominante d’un côté du corps, on immobilise même imparfaitement les doigts, la main et l’avant-bras d’un côté avec une bande élastique, ou même une simple bande de toile, enroulée autour du membre et modérément serrée, il se produit alors une modification de la sensibilité des plus remarquables. Si la compression a été un peu forte, le sujet perd la notion de la position de son bras, et en même temps la sensibilité générale et spéciale s’affaiblit dans tout le côté du corps correspondant.

Mais dans l’état somnambulique les phénomènes d’inhibition sont encore plus facilement obtenus, et leur influence est plus manifeste sur les états faibles que sur les états forts : ainsi un état hallucinatoire est plus facilement modifié qu’une sensation réelle ; un acte suggéré plus facilement qu’un acte spontané.

G… est en somnambulisme ; on lui suggère la vue d’un rat blanc au coin de la cheminée. Elle a peur. On lui serre le bras gauche ; la peur cesse, elle ne voit plus le rat. On lâche : l’attitude craintive reparaît. On la familiarise avec l’animal. Elle finit par le prendre sur les genoux. Chaque fois qu’on lui serre le bras, elle cherche le rat qu’elle ne trouve plus, mais qui reparaît sitôt que la compression cesse.

D’ailleurs dans les délires des fièvres où les sensations subjectives semblent n’avoir qu’une assez faible intensité il suffit souvent pour faire cesser une hallucination auditive, visuelle ou autre, de parler au malade, de lui serrer la main, de lui presser le front, etc. Dans les délires vésaniques, l’action d’arrêt s’obtient moins facilement ; toutefois, il suffit souvent que l’aliéné se livre à un acte quelconque pour que l’hallucination soit suspendue : les hallucinations de l’ouïe cessent en général lorsque le sujet parle.

Citons maintenant quelques faits d’inhibition d’actes.

On donne à C… en somnambulisme une demi-douzaine de morceaux de papier en lui enjoignant de les plier en quatre : elle commence sa besogne. On lui comprime simplement la cuisse gauche. Elle s’arrête. Si on lui demande pourquoi : « Je ne sais pas, répond-elle, quelque chose me pousse à plier ces morceaux de papier, mais quelque chose de plus fort m’en empêche. » Si l’on cesse la compression, elle reprend automatiquement son travail.

Cette sorte de faits d’inhibition est susceptible d’une interprétation plus complexe que celle que nous avons donnée précédemment. Il peut y avoir non seulement épuisement, mais interférence, c’est-à-