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sommeil du sommeil naturel en faisant intervenir la fatigue dans sa production. Elles nous conduisent enfin à interpréter aussi par l’épuisement tous les phénomènes dits d’arrêt qui se manifestent à la suite du choc nerveux, soit physique soit moral.

Il faut remarquer que très fréquemment les phénomènes d’excitation et d’épuisement se présentent chez le même sujet, dont l’aspect choque par son instabilité et sa variabilité pour ainsi dire infinie. Il est même vraisemblable que cette alternance est constante, mais quelquefois une des phases passe inaperçue. Chez quelques-uns la moindre influence détermine des changements à vue.

Les exemples de dynamogénie et d’épuisement que nous avons cités précédemment établissent nettement que rien ne saurait être négligé dans la recherche des modifications somatiques qui sont capables de produire ces phénomènes. Aussi bien chez les aliénés que chez les hypnotiques, l’exagération de la personnalité entraîne en général des sentiments de bienveillance et d’optimisme ; la dépression s’accompagne, au contraire, de sentiments de malveillance et de pessimisme. Sur certains sujets, on peut établir avec la plus grande netteté que l’état de satisfaction s’accompagne d’une exagération de la puissance motrice, tandis que l’état de dépression coïncide avec une atténuation de la force musculaire, exagération et atténuation mesurables au dynamomètre, qui peut montrer une différence de moitié entre les deux états.

On peut dire que les individus bien portants, offrant une tension potentielle maxima, sont sans cesse en mesure d’ajouter une partie d’eux-mêmes à tout ce qu’il s’agit d’apprécier ; tandis que les dégénérés, affaiblis autant au point de vue physique qu’au point de vue psychique, sont toujours en déficit en quelque sorte, ils ne peuvent qu’emprunter, et apprécient tout au-dessous de sa valeur.

Il suffit d’un jour de maladie pour pouvoir observer sur soi-même ces différences d’appréciation corrélatives à l’état somatique.

C’est à tort que Dumont[1] affirme que le plaisir et la douleur ne sont pas des phénomènes réels et qu’ils correspondent au changement et non à l’état. Les faits que nous avons rapportés indiquent bien que le plaisir et la douleur correspondent à des états dynamiques en plus ou en moins.

Nous allons rapporter maintenant quelques exemples de soi-disant inhibition d’un autre ordre, qui nous serviront à compléter notre démonstration.

Des excitations périphériques peu intenses sont capables, avons-

  1. Dumont, Théorie scientifique de la sensibilité, p. 81.