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encore l’archée, l’ens primum, l’esprit natif. Si la lumière en est le principe, l’air en est le réceptacle universel.

« Ces esprits natifs ou âmes des plantes sont respirés ou exhalés dans l’air qui paraît être le réceptable aussi bien que la source de toutes les formes sublunaires, la grande masse, le chaos qui les distribue ou les reçoit. L’air ou atmosphère qui entoure la terre contient un mélange de toutes les parties volatiles actives du monde habitable, c’est-à-dire de tous les végétaux, minéraux, animaux. Toute émanation, toute corruption, toute exhalaison imprègne l’air qui, étant mis en action par le feu solaire, produit dans son sein toutes sortes d’opérations chimiques, et distribue en des générations nouvelles ces sels et esprits qu’il a reçus des putréfactions[1]. »

L’atmosphère est vivante ; « partout il y a de l’acide pour corrompre, de la semence pour engendrer. » Les minéraux mêmes n’échappent pas à la loi et à l’action de la vie universelle : ils se corrompent, et l’esprit acide les ronge sous forme de rouille ; ils se nourrissent, pourrait-on dire, et l’air leur restitue ce qu’il leur prend. Boyle n’a-t-il pas constaté que les mines de fer et d’étain, épuisées, se reforment à l’air libre[2] ?

L’air n’est donc pas un élément simple, il est un mélange des choses les plus hétérogènes, les plus contraires, devenues élastiques et volatiles par l’action d’une substance infiniment subtile. Par elle s’alimentent à la fois le feu vital et la flamme commune, par elle tout fermente et s’agite ; par elle sont produits les météores et les tempêtes, les tremblements de terre, les maladies, les transmutations des éléments dissous et comme suspendus dans l’atmosphère. Cette partie plus vivante et plus active de l’air, c’est l’éther.

« Cet éther ou feu pur invisible, le plus subtil et le plus élastique de tous les corps, semble s’insinuer et se répandre à travers tout l’univers. Si l’air est l’agent ou l’instrument immédiat dans les choses naturelles, c’est le feu pur invisible qui est le premier moteur naturel, la source première d’où l’air dérive sa puissance.

« Cet agent puissant est partout présent, toujours prêt à se déchaîner avec impétuosité, s’il n’était retenu et gouverné avec la plus grande sagesse. Toujours en mouvement, jamais en repos, il actualise et vivifie la totalité de la masse visible ; également apte à produire et à détruire, il distingue les uns des autres les différents étages de la nature, et gros, pour ainsi dire, des formes qu’il produit au dehors et résorbe constamment, il entretient le cycle perpétuel des généra-

  1. Sect. 137.
  2. Sect. 138 à 142.