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La loi de Fechner ne met pas en évidence les erreurs commises dans l’appréciation des intervalles sensitifs ; la sensation croîtrait d’une manière continue. Cette observation suffirait à elle seule à montrer que la formule de Fechner est complètement indépendante de celle de Weber : la première donne la valeur moyenne de la sensation et l’autre indique les erreurs en plus ou en moins qui peuvent être commises dans l’appréciation des deux excitations égales. En musique, malgré la finesse de l’oreille la plus exercée, il y a toujours une légère erreur commise dans l’appréciation des accords.

On objecte à la loi de Fechner que la sensation pourrait devenir négative et on a discuté sur la correction à apporter ; à vrai dire on fait dans ce cas un usage tout à fait vicieux de la formule. Dans toutes les sciences physiques il y a des limites pour l’usage des formules ; si, par exemple, on suppose un gaz refroidi à pression constante à une température inférieure à 273° au-dessous de zéro, son volume devient négatif ; je ne sache pas que l’on ait jamais objecté cette absurdité à la loi de Gay-Lussac sur la dilatation des gaz. Le principe même de la loi de Fechner s’oppose à ce qu’on l’applique aux sensations très petites, parce qu’on néglige l’erreur d’appréciation, ce qui ne peut être admissible que dans le cas où l’excitation est importante. Pour trouver le mode d’action d’excitations très petites ou rapidement variables, il faut faire de nouvelles expériences qui ont été à peine commencées.

III

On pourrait multiplier beaucoup les exemples de problèmes appartenant à la psycho-physique ; mais il semble que ce qui est dit plus haut suffit à montrer l’étendue de cette science.

Jusqu’ici on a le plus souvent rattaché les questions psycho-physiques à la physiologie : il est facile de comprendre qu’il y a là une erreur de classification. La physiologie étudie le mécanisme des sens, comme la physique étudie la dynamique des corps extérieurs ; mais ni l’une ni l’autre ne peuvent discuter les jugements portés sur les excitations.

La psycho-physique ne doit pas se borner à décrire et mesurer les phénomènes ; elle serait incomplète si elle n’en cherchait pas le mécanisme. La plupart de nos illusions et de nos jugements sensoriels sont basés sur des associations d’idées ; depuis bien longtemps on a signalé l’influence des spectacles naturels sur l’art des diffé-