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SOREL.sur les applications de la psycho-physique

complexe que les sons ; il faut faire entrer en ligne de compte leur nature, leur saturation, leur intensité, et tous ces éléments sont souvent difficiles à définir avec précision. On sait, par exemple, que l’étendue donnée aux diverses teintes d’une décoration joue un rôle considérable dans la valeur de l’œuvre. Un auteur anglais célèbre, Field, a l’un des premiers fait des expériences sur ce sujet. On lira avec fruit les fines observations de M. Viollet-le-Duc à l’article Peinture de son Dictionnaire d’Architecture.

La peinture des tableaux n’est guère susceptible d’être soumise à une analyse scientifique : il n’en est pas de même de la peinture ornementale qui, généralement, ne reproduit rien de réel. Il y a une époque où l’on se bornait à de fades assemblages qui produisaient un ensemble toujours médiocre, mais presque toujours supportable. Depuis que l’habitude de voyager dans les montagnes et sur le bord de la mer a fait naître le goût des harmonies fortes et des couleurs saturées, l’art ornemental a dû complètement se transformer et revenir aux anciens modèles ; malheureusement, depuis le moyen âge, toute tradition solide avait été perdue et on n’avait plus aucune idée des méthodes suivies à cette grande époque. Il ne semble pas douteux que les artistes devaient se borner la plupart du temps à diriger les grands travaux d’ornementation et qu’ils avaient été obligés d’adopter des méthodes précises qu’on enseignait dans les ateliers. M. Viollet-le-Duc a très clairement expliqué la manière dont on dessinait les personnages d’après des règles géométriques ; l’album de Villars de Honnecourt montre quelle importance ce système avait pris à son époque (xiiie siècle). Il est clair que pour la coloration, on devait procéder d’une manière assez analogue. M. Viollet-le-Duc dit « qu’il suffisait de trouver des ouvriers habiles de la main et assez imbus des procédés traditionnels pour peindre sur les verres coupés le modelé convenable. Nous ne comprenons pas l’art de la peinture de cette manière aujourd’hui, et il ne faut pas le regretter, s’il s’agit de tableaux faits pour être placés en dehors d’un effet décoratif général… ; mais, si la peinture participe d’un ensemble, elle est nécessairement soumise à des lois purement physiques qu’on ne peut méconnaître et qui sont supérieures au talent et au génie de l’artiste… Ce qui a été oublié pendant des siècles, ce sont les seuls et vrais moyens qui conviennent à la peinture sur verre, moyens indiqués par l’observation des effets de la lumière et de l’optique. » Tout cela est magistralement écrit ; il n’y a qu’à faire une observation, c’est que l’étude de ces effets est du domaine de la psycho-physique. Les peintres avaient d’ailleurs pour se diriger l’étude approfondie qu’ils avaient faite des enluminures