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SOREL.sur les applications de la psycho-physique

réfrangibles forment leur image en avant de celle des rayons bleus. Il y a autre chose, car il serait, dans ce système, impossible d’expliquer comment le rouge peut être quelquefois employé avec avantage pour faire ressortir les creux. Dans le temple de Minerve Poliade à Priène (publié avec un très grand soin par la mission envoyée par M. de Rothschild), on voit que les creux sont accusés en bleu quand les ornements reçoivent la lumière directe, et en rouge quand ils sont éclairés par reflet, comme cela a lieu par exemple pour les caissons du portique. Cet exemple est d’autant plus précieux que ce temple est remarquablement étudié dans ses détails et que la polychromie y est employée avec un extrême ménagement,.

Tout le monde connaît les couleurs larges et les couleurs étroites : le blanc paraît toujours plus grand qu’en réalité, tandis que le noir semble plus petit qu’il n’est : il y a là un effet qui ne saurait être expliqué ni par la physique ni par la physiologie ; il y a une erreur de jugement, et, par suite, l’étude de ces phénomènes rentre dans la psycho-physique.

L’une des grandes difficultés de la construction des verrières réside dans le rayonnement des couleurs translucides : M. Violiet-le-Duc a très habilement analysé ce phénomène et il a posé quelques règles pratiques. L’explication de ces effets n’a pas été encore donnée, à ma connaissance : on peut bien admettre qu’il y a sur la rétine diffusion de l’excitation lumineuse ; mais ce fait physiologique devrait se produire avec toutes les couleurs ; or, le rouge se rétrécit au lieu de s’élargir, le jaune n’empiète pas, tandis que le bleu colore ses contours et salit les couleurs voisines. Il y a là des phénomènes très complexes qui paraissent tenir à des causes physiologiques et surtout à des erreurs de jugement. Il ne se produit pas un contraste de couleurs ; mais, au voisinage du bleu, les couleurs apparaissent modifiées comme si la lumière bleue prenait la place de la lumière blanche : le rouge devient violacé et le noir, qui n’est jamais un noir absolu, apparaît bleuâtre au lieu d’être gris foncé. Ces modifications se rapprochent beaucoup du système de combinaisons colorées appelé mérochromie par M. E. Brücke[1].

La construction des théâtres donne lieu, on le sait, à des questions fort délicates, qui ne sont pas encore résolues : aussi le public a-t-il tort, en général, de s’en prendre aux architectes quand une salle est médiocre ; car ceux-ci devraient trouver dans la science un secours qui leur manque. On demande avec raison que le théâtre

  1. Des couleurs au point de vue physique. etc., par E. Brücke, traduit par Schutzenberger.