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SOREL.sur les applications de la psycho-physique

réduction des dimensions apparentes en raison de l’éloignement. En résumé, nous n’avons aucune formule permettant de déterminer d’une manière mathématique la représentation des objets tels que nous les voyons, mais on s’est contenté depuis des siècles de méthodes approximatives qui suffisent d’ailleurs à la pratique de l’artiste et du dessinateur.

L’antiquité avait fait des illusions de la vue une étude très approfondie, mais dont il reste peu de traces dans les livres classiques. Les mesures très exactes prises durant ce siècle sur les monuments grecs ont démontré que les architectes faisaient subir à leurs lignes des déformations très savantes et très étudiées en vue d’améliorer l’effet esthétique. On n’a jamais mis en doute que ces altérations de l’ordre ne fussent le produit d’un art savant. Nous sommes si peu habitués à trouver dans nos monuments pseudo-grecs des recherches de ce genre qu’il nous est difficile d’en découvrir toujours la raison véritable. Il est clair que les artistes grecs ont cherché à éviter des erreurs d’optique faciles à commettre sous un ciel très clair, lorsqu’on est en présence de matériaux très éclatants : dans ces conditions, les vraies relations des parties de figures sont difficiles à apprécier : si les marches du Parthénon avaient été rectilignes, il est probable qu’elles eussent paru ventrues : en leur donnant une courbure inverse suffisante, on évite cet effet désagréable (parce qu’il rappelle un édifice ébranlé et prêt à s’écrouler). Il est clair que l’esprit éminemment méticuleux des architectes grecs avait dû s’exercer de bonne heure sur tous ces sujets, et comme nous savons qu’ils soumettaient toutes leurs constructions à des relations numériques, il est certain qu’ils avaient formulé des règles pour déterminer les déformations de l’édifice. Ces règles avaient bien le caractère de formules psycho-physiques, puisqu’elles étaient basées sur la détermination des erreurs commises par notre jugement en présence d’objets soumis à nos sens.

Je vais énumérer maintenant quelques problèmes intéressants qui se présentent dans la pratique et qui dépendent de la psycho-physique : on verra par là combien cette science a d’applications utiles.

Lorsque deux excitations sont très voisines en position, il se produit une fusion partielle ou totale. On a souvent établi sur les côtes des phares conjugués ; les marins apprécient beaucoup ce système, mais pour qu’il soit efficace, il faut que les feux soient parfaitement distincts dans tout le cercle où les navigateurs ont intérêt à les voir. On a dû chercher une relation entre la puissance des feux et l’angle sous lequel on les voit distincts à la limite du cercle utile. On n’a pas de formule précise ; on se contente d’une règle empirique que les