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sont alignées et paraissent tendre à la rencontre de la ligne du soubassement des maisons : les rangées d’édifices parallèles semblent également converger. Ces observations traduites en formules géométriques définissent la perspective ordinaire qu’on peut appeler centripète en raison de la convergence des parallèles.

Ce système de représentation devenu classique n’est pas entièrement satisfaisant. Il ne faut pas beaucoup d’attention pour voir que l’on arrive fréquemment à des impossibilités : ainsi, les verticales étant maintenues d’aplomb, deux fenêtres égales seront représentées identiques, qu’elles soient au rez-de-chaussée ou au 5e étage, bien qu’elles soient à des distances fort inégales de l’observateur et qu’en réalité elles paraissent par suite fort différentes ; une sphère paraît toujours ronde, tandis que la perspective la représente sous la forme d’une ellipse plus ou moins déformée ; si même elle était très près de la verticale passant par l’observateur, elle pourrait être transformée en hyperbole. On pourrait multiplier les exemples qui auraient pour résultat de montrer que la perspective n’est pas fondée sur des axiomes géométriques, mais qu’elle donne seulement des solutions convenables dans des limites déterminées. Elle rend en réalité de grands services et peut utilement être employée par l’artiste pour se rendre compte de l’effet que produira sa conception après l’exécution ; elle représente assez convenablement les relations dans lesquelles nous mettons les parties d’une vaste construction. C’est une géométrie psycho-physique, puisqu’elle figure par des constructions enchaînées les jugements que nous portons sur les objets.

On a imaginé d’autres systèmes destinés à satisfaire, d’une manière plus simple et suffisamment exacte, à la représentation des objets dans des cas où les constructions classiques sont jugées inutiles ; lorsqu’il s’agit par exemple de dessiner une façade élevée, on s’abstient généralement de faire converger les corniches vers le sol ; on se contente de la perspective cavalière qui dans ce cas est moins désagréable que l’autre, parce qu’il y a quelque chose de choquant à réduire les dimensions en raison de l’éloignement dans le sens de la longueur, sans leur faire subir la même déformation dans le sens de la verticale, quand la hauteur est considérable. La perspective classique ou centripète ne s’applique avec un réel avantage qu’au cas où les objets sont peu élevés et à une distance notable de l’observateur : la perspective cavalière ou parallèle n’est qu’un mode de représentation simplifié très convenable pour les objets ayant beaucoup d’élévation, mais qui a le grave défaut d’être encore plus arbitraire que l’autre elle s’appuie sur cette, observation que les angles droits sur le plan horizontal sont déformés, et ne tient pas compte de la