Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
revue philosophique

plètement effacée ; et il en résulte qu’ils sont capables des plus grands écarts.

Les sujets d’une constitution robuste au contraire, offrent, si on peut dire, une force statique plus considérable qui leur permet de résister aussi bien à l’excitation qu’à l’épuisement et de ne présenter, sous l’influence d’un agent quelconque, que des réactions modérées. L’impassibilité est un signe de force ; et les anciens Égyptiens la symbolisaient parfaitement en représentant les puissants, dieux ou rois, assis, les membres dans une position intermédiaire à la flexion et à l’extension, le regard à l’horizon, prêts à tout et émus de rien.

Insistons un peu sur quelques phénomènes communs chez les instables qui offrent des manifestations d’excitation ou de dépression sous des influences tellement légères qu’elles échappent le plus souvent à notre observation.

Certains dégénérés, strychnisés en quelque sorte par leur hérédité morbide, offrent des phénomènes spasmodiques divers, mais que l’on a rapprochés avec raison ; ce sont des mouvements spasmodiques ou tics, et des idées spasmodiques ou impulsions, suivies, lorsqu’elles sont assez intenses, d’exclamations ou d’actes impulsifs plus ou moins complexes[1]. D’autres sujets appartenant eux aussi à la catégorie des dégénérés présentent de préférence, au lieu de ces phénomènes d’excitation, des manifestations d’un ordre tout contraire et que l’on peut rattacher à l’épuisement, se produisant comme les premiers en dehors de toute lésion organique connue du système nerveux : ce sont des paralysies dites psychiques, caractérisées par l’impossibilité d’exécuter un mouvement, bien que le sujet se croie capable dans une certaine mesure de vouloir le faire, et des aboulies caractérisées par l’impossibilité absolue de vouloir exécuter un mouvement donné.

Ces aboulies et ces paralysies peuvent être rapprochées au même titre que les mouvements et les idées spasmodiques. L’aboulie est un état faible de la paralysie, tout comme l’idée spasmodique est un état faible du spasme moteur : lorsque l’idée spasmodique est très intense, l’acte impulsif qui en est la conséquence est instantané, le temps de l’idée et le temps de l’acte se confondent, il devient impossible de distinguer l’un de l’autre, le sujet n’a pas conscience d’avoir eu l’idée du mouvement avant de l’accomplir ; de même lorsque l’aboulie est à son maximum d’intensité, elle équivaut à une paralysie psychique systématisée, et il est impossible de l’en distinguer. Supposons un

  1. Gilles de la Tourette, Étude sur une affection nerveuse caractérisée par de l’incoordination motrice, accompagnée d’écholalie et de coprolalie (Arch. de Neurologie, No 261, 885). Guinon, Sur la maladie des tics convulsifs (Rev. de Méd., 1886).