Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
FÉRÉ.impuissance et pessimisme

mènes physiologiques : nous préférons, en général, les personnes qui offrent les attributs de la bonne santé et de la vigueur, dont l’aspect extérieur trahit une provision d’énergie disponible, dont une partie pourra être utilisée à notre profit. La sympathie que nous avons pour les gens exubérants de santé s’explique par cette simple notion que lorsqu’on a trop on est plus en mesure de donner ; que peut-on espérer au contraire d’un individu mal constitué au moral et au physique, incapable de se suffire à lui-même ?

L’action tonique des individus bien constitués est utilisée dans quelques hôpitaux d’Angleterre, où l’on choisit pour infirmières les plus jolies filles que l’on peut trouver ; l’exemple est bon à suivre.

Le penchant que l’on éprouve quelquefois pour des individus mal partagés tant au point de vue physique qu’au point de vue intellectuel, n’est pas contradictoire à ce que nous venons de dire. D’abord parce que ces individus peuvent posséder, parmi de nombreux défauts, une qualité ou une simple particularité qui nous flatte ; et, en outre, parce que le contact des sujets faibles éveille en nous une sensation subjective de puissance : être plus fort est agréable en soi.

Nous aimons la représentation de la force et d’autant mieux qu’elle paraît plus susceptible d’être utilisée à notre profit. Dès qu’il devient manifeste qu’elle menace notre faiblesse, notre sentiment change le maître devient l’ennemi. Le plaisir et la douleur, ne sont que la manifestation d’états dynamiques ; et les phénomènes extérieurs qui les caractérisent déterminent sur ceux qui les observent les mêmes effets que la représentation de la force ou de l’épuisement le spectacle du plaisir ou de la douleur augmente ou diminue notre propre énergie. On peut dire sans aucune métaphore que nous prenons part à la joie ou à la peine des autres ; et c’est justement pour cela que nous sommes capables de faire des efforts sincères pour leur bonheur ou pour leur soulagement. La pitié et la charité qui en découle ne sont pas pures d’égoïsme : ce sont des phénomènes physiologiques et par conséquent nécessaires.

Les sujets affaiblis, les dégénérés, les névropathes sont plus soumis que les autres aux effets dynamogènes ou épuisants des excitations venues du dehors ; ils sont sans cesse dans un état d’équilibre instable, ressemblant à une balance folle, qu’un simple attouchement suffit à faire dévier dans un sens ou dans l’autre. Aussi les voit-on soumis à la contagion des émotions et à tous les phénomènes d’induction psycho-motrice. Chez eux, l’impression actuelle détermine une nécessité de réaction tellement urgente et intense que la représentation mentale des conséquences de l’acte se trouve com-