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IMPUISSANCE ET PESSIMISME


J’ai déjà essayé de montrer[1] qu’il est possible d’établir expérimentalement que la sensation de plaisir se résout dans une sensation de puissance, tandis que la sensation de déplaisir se confond avec la sensation d’impuissance : on aime et on recherche tout ce qui ajoute de la force ; on hait et on évite tout ce qui en fait perdre. Les sensations visuelles ou auditives les plus agréables sont celles qui portent à leur maximum l’énergie potentielle ; on peut en dire autant des sensations gustatives ou olfactives. Il y a longtemps, d’ailleurs, que l’on a fait remarquer que presques toutes les substances à odeur désagréable sont en même temps nuisibles. Cela n’est pas moins vrai pour les sensations tactiles et pour les sensations de température. Les hystériques sont, en général, désagréablement impressionnées par les températures excessives : beaucoup craignent particulièrement le froid, et on peut constater que, chez elles, la chaleur joue le rôle de dynamogène et d’esthésiogène. Sur une hystérique complètement anesthésique, il suffit de chauffer une partie de la peau par l’approche d’un thermo-cautère rougi pour ramener la sensibilité dans cette partie ; et si on approche un membre entier d’une source de chaleur plus intense, on peut constater, en même temps que le retour de la sensibilité, une augmentation considérable de la force dynamométrique.

Lorsque la sensation de plaisir est portée à son maximum, lorsque la tension de l’énergie potentielle est devenue excessive, il se produit une décharge, sous forme de mouvements, de sécrétion, etc., déterminant un épuisement. On comprend ainsi comment telle excitation, agréable lorsqu’elle est modérée, peut être désagréable lorsqu’elle devient excessive ou lorsqu’elle se prolonge. Il est un acte physiologique qui schématise en quelque sorte cette succession de phénomènes : Amor epilepsia brevis, disaient les anciens, non sans quelque raison.

Les sympathies et les antipathies se réduisent aux mêmes phéno-

  1. Sensation et mouvement (Revue philosophique, octobre 1885, mars 1886).