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diminution dans la notion des choses qui l’entourent. Mais la limitation exacte de ce qu’elle croit vrai et de ce qu’elle ne croit pas vrai, de la notion du réel et de la notion de l’imaginaire, m’a paru jusqu’ici à peu près impossible à faire.

Peut-être dira-t-on qu’il s’agit là, en somme, d’un hypnotisme incomplet, d’une période de somnambulisme qui précède les périodes de catalepsie et de léthargie, qu’on voit chez les hystéro-épileptiques. Cela est possible, et j’admets qu’en poussant plus loin que je n’ai pu le faire (et même plus loin que je n’ai voulu le faire), on obtiendrait peut-être les phénomènes de catalepsie et de léthargie ; mais, au fond, je ne crois pas qu’il s’agisse là d’un sommeil incomplet, c’est un état de somnambulisme très fortement caractérisé avec des hallucinations très vives et un certain degré d’automatisme, les deux symptômes fondamentaux que j’ai pu décrire en 1875, comme constituant le caractère fondamental de l’état somnambulique.

Je n’ai cherché à produire qu’une seule phase, c’est au moment du réveil. En effet, j’ai pu obtenir ainsi, en portant mon attention sur ce point et en dissociant les phénomènes créés dans le réveil, deux phases qui paraissent bien distinctes : une première phase, pendant laquelle les yeux sont fermés ; une seconde phase, pendant laquelle les yeux sont ouverts, tant que je lui tiens la main. Alors, si je lâche sa main, les yeux se ferment aussitôt. Cette seconde phase, qui est la transition entre le sommeil proprement dit et le réveil, me paraît tout à fait artificielle et, je le répète, je crois bien l’avoir créée de toutes pièces en répétant tout haut qu’elle existait et en m’attachant à la bien distinguer du sommeil complet et du réveil complet.

La signification de l’automatisme mérite une mention spéciale. En effet, ce n’est pas l’automatisme aïdéique absolu des hypnotisées, c’est un automatisme relatif, où il y a persistance d’une partie de la volonté, Si A… m’obéit, c’est par un mécanisme tout à fait spécial que j’appellerai anxiété respiratoire. Je lui dis : Venez ici. Alors elle peut ne pas venir. Mais elle éprouve, en me résistant ainsi, une telle douleur et une telle suffocation qu’elle se décide à marcher en avant et à venir vers moi, ce qui la calme aussitôt.

Les hallucinations semblent avoir aussi un caractère tout à fait spécial.

En effet, les hallucinations qu’on observe chez les aliénés ou dans divers états morbides ont toujours un caractère de spontanéité, de soudaineté irrésistible, subite, indépendante de la volonté. L’objet qui forme le sujet de l’hallucination apparaît immédiatement dans toute sa netteté avec une force extraordinaire. Il est difficile à l’individu halluciné de se soustraire à l’impression qu’il s’agit là d’une réalité, tellement apparaissent en traits nets et indépendants les images hallucinatoires. Sur ce point, il est inutile d’insister ; toutes les observations pathologiques font foi de cette violence de l’hallucination.