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importants. Heureux s’il n’en eût point diminué le prix par les troubles dangereux qu’il y a excités au sujet de Jansénius. Ce qui fut pour lui une source de fautes et de chagrins qu’il aurait bien pu s’épargner ; mais il fallut satisfaire son naturel bouillant et impétueux, amateur de la dispute, ennemi de son propre repos, perturbateur de celui des autres. Il est pourtant à croire que ce fut toujours avec de bonnes intentions, car on ne se fait point juge de son cœur, et d’ailleurs il est certain qu’il avait beaucoup de piété… Enfin, on n’en peut disconvenir, M. Arnauld était un grand homme ; mais, on me permettra de le dire, sans doute qu’il eût été encore plus grand, s’il eût été plus modéré et plus maître des saillies de son imagination un peu fougueuse. » Quand le vieil athlète meurt les armes à la main contre le P. Malebranche, André complète son jugement : « Il était extrême dans ses sentiments, trop enclin à mal penser de ses ennemis, trop prompt à divulguer ce qu’il en pensait ; vain, hardi, présomptueux jusqu’à la témérité, imaginatif et un peu visionnaire. C’est la seule chose qui puisse excuser les faits faux dont ses écrits polémiques sont remplis. Mais après tout il avait de la religion et des mœurs très pures, avec beaucoup de zèle pour la pureté de la morale chrétienne, ce qui lui attira un si grand nombre de persécutions de la part de ceux qu’on accuse de la corrompre. C’est une folie de croire que ce fut un homme dangereux à l’État, ni même à l’Église, à laquelle il a tenu toujours inviolablement, malgré toutes les traverses qu’il a souffertes avec un courage héroïque. En un mot, s’il est fort à blâmer pour certains sentiments dangereux qu’il a soutenus avec trop d’opiniâtreté, il faut convenir qu’il est un peu à plaindre. On l’a tellement poussé qu’il était bien difficile qu’on ne le rendit ce qu’on voulait qu’il fût, je veux dire hérétique. Pour ne pas l’exposer à un si grand malheur, il semble qu’il fallait le combattre moins par la force que par la vraie raison. »

Puisse ce rapide coup d’œil sur l’œuvre du P. André inspirer le désir de la mieux connaître : nous sommes certain que sa lecture assurera au R. P. Ingold la reconnaissance de tous les amis de la philosophie.

Georges Lechalas.

Ch. Bénard.La philosophie ancienne ; histoire générale de ses systèmes. 1re partie, Paris, Félix Alcan, 1885, 1 vol.  in-8o (CXXVIII-400 pages).

M. Ch. Bénard, le traducteur de l’Esthétique, de la Poétique de Hegel, et des Écrits philosophiques de Schelling, l’auteur du Précis et des Questions de philosophie qui ont rendu de si grands services aux élèves de l’enseignement secondaire, est bien connu des lecteurs de la Revue philosophique par ses articles sur l’esthétique allemande contemporaine. Il s’est proposé, dans l’ouvrage dont nous annonçons la première