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un manuscrit de la bibliothèque de Troyes, une copie incomplète de la Vie de Malebranche, et il mit cette découverte à profit, dans son étude bien connue sur le grand oratorien. On put regretter alors qu’il n’eût pas cru devoir publier le texte même, quelque incomplet qu’il fut mais, en 1873, M. Bertrand, alors professeur de philosophie au lycée d’Arras, annonça à M. Ollé-Laprune qu’il avait entre les mains le manuscrit du P. André, lequel allait être mis en vente à Paris. M. Ollé-Laprune reconnut que l’écriture n’était, pas cette d’André, et le manuscrit ne trouva pas acquéreur, lors de la vente de la bibliothèque de MM. de Cessole et de Châteaugiron (mai 1874) ; proposé ensuite à la Bibliothèque nationale, il fut acquis par cet établissement, où il est inscrit sous le n° 1038 des nouvelles acquisitions du fonds français.

Quelle est la valeur de ce manuscrit ? deux inscriptions indiquent que c’est celui qui fut envoyé par M. de Quens à M. Coquille, puis remis par celui-ci à l’abbé Hemey d’Auberive ; en outre, le R. P. Ingold, de l’Oratoire, a pu reconnaître qu’il est de la main de M. de Quens. On est donc en présence d’une copie présentant les garanties les plus sérieuses ; aussi, dans l’ignorance où l’on est du sort de l’original, le P. Ingold a-t-il eu bien raison de publier un ouvrage depuis si longtemps désiré. Nous devons ajouter toutefois que le manuscrit n’est pas tout-à-fait complet outre quelques lacunes, on y regrette l’absence de la plupart des lettres de Malebranche qui devaient y être insérées. Notons enfin que le P. Ingold a supprimé, sauf exceptions, dans sa publication, les longues analyses que le P. André avait faites des œuvres de Malebranche. Quant t aux notes qui remplissent parfois les marges du manuscrit, le P. Ingold y a fait un choix ; quelques-unes d’entre elles sont, non du P. André, mais de M. de Quens ou de l’abbé Hemey d’Auberive. D’autres, distinguées par des caractères italiques, sont dues à l’éditeur lui-même et ont souvent pour objet de signaler des erreurs qui seraient échappées à M. l’abbé Blampignon nous n’insisterons pas sur les petits faits matériels, mais nous devrons faire nos réserves au sujet de deux critiques assez vives que le P. Ingold adresse à M. l’abbé Blampignon, dans son Introduction.

Venue après l’étude rédigée par ce dernier d’après le manuscrit de Troyes, la publication de l’œuvre du P. André nous apprend peu de faits nouveaux de quelque importance, mais cette œuvre n’en présente pas moins un vif intérêt, car elle est, en général, fort bien écrite, et maint détail a perdu de son originalité en passant dans le livre de M. Blampignon. Le P. Ingold l’accuse même d’avoir complètement travesti le caractère de Malebranche, faisant du plus doux des hommes un esprit absolu, facile à s’aigrir et à s’irriter. En fait, si l’on a exagéré parfois les emportements de Malebranche au milieu des polémiques, le P. Ingold nous parait bien exagérer en sens inverse, car si Malebranche ne cherche pas querelle, il a, quand on l’attaque, des reparties souvent bien vives tous ceux qui ont jeté un coup d’œil sur ses réponses à Arnauld peuvent en porter témoignage. Du reste, le P. André, toujours surpris