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GUARDIA.philosophes espagnols

astrologues, presque toutes d’origine orientale, arabe ou chaldéenne. Suivant l’auteur, appuyé d’Avicenne, la lune en croissance fait croître le cerveau dans le crâne, comme l’eau des fleuves et de la mer ; car c’est par l’eau, qui est son lait et le chyle du monde, qu’opère cette mère-nourrice : Los humores crecen con el aumento de la luna, y crece el celebro en el craneo y el agua en los rios y mar. Esto todo lo hace la luna, madre nutriz con su leche, chilo del mundo, que es el agua.

Ce qui semble infiniment plus juste, c’est ce qui vient après, à savoir que le contentement et la joie accompagnent la croissance des êtres vivants, tandis que la décroissance produit la tristesse. Voilà une notion assez nette de la conscience organique ou vitale, trop négligée par les psychologues classiques, bien que cet élément essentiel soit de rigueur dans l’analyse des sensations internes et des principes de la connaissance.

C’est à la fin de ce chapitre, que l’un des interlocuteurs, Veronio, se plaignant de la complaisance avec laquelle Antonio (c’est le berger savant) répond à Rodonio, au sujet de la croissance et de la décroissance du cerveau, c’est-à-dire de la vie et de la mort, lui rappelle sa promesse de traiter de la connaissance de soi-même. À cette interpellation, le protagoniste répond fort sensément qu’il est parfaitement dans la question, car une bonne partie de la connaissance de soi-même consiste dans la connaissance des passions et des causes de la santé et de la maladie. Aussi se borne-t-il à indiquer sommairement les quatre vertus cardinales et toutes celles qui en dérivent. La matière est trop connue. Toutefois, pour complaire à son ami, il consent à traiter en moraliste de la reconnaissance, laquelle n’est pas étrangère aux animaux ; puis de la grandeur d’âme, compagne du génie, sœur de la prudence et de la générosité, avec un très beau portrait de l’homme magnanime, et quelques réflexions très fines au sujet de la force morale et de la haute intelligence. Vient ensuite un éloquent éloge de la prévoyance et de ses bienfaits. L’auteur en accorde aux animaux dans une juste mesure ; mais il pense qu’en tant que fille de la raison, elle ne se trouve pleinement que chez l’homme. Son image est le soleil, qui voit tout et qui est, après Dieu, la source de toute vie. Après avoir développé cette comparaison, l’auteur se plaît à rapporter de nombreux exemples de la sagacité des animaux, dont deux très curieux empruntés à Christoval Acosta au sujet des éléphants. L’éloge de la sagesse lui fournit ensuite la matière de quelques pages vraiment éloquentes avec simplicité, car le style est digne du sujet, et le lieu commun de la félicité du sage est traité avec une rare supériorité d’esprit. On remarquera surtout l’endroit où l’on voit le mal naître du bien ; les réflexions morales y