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GUARDIA.philosophes espagnols

l’amour et la sympathie lui sont naturels ; mais il convient de modérer les affections et les désirs, de peur que l’excès ne gâte ce qui est bon en soi. Les animaux connaissent aussi ces sentiments de sympathie, que l’on remarque même entre individus d’espèces différentes, et l’on en voit qui déploient une merveilleuse industrie pour sauver leur progéniture. Il est regrettable que ce beau chapitre abonde en exemples fabuleux ou suspects empruntés à Pline, le grand ramassier de tant de sornettes.

De l’amour à l’amitié, la transition est naturelle : l’auteur en parle avec une originalité charmante et un rare bonheur d’expression. Il n’y a point de meilleur remède à l’isolement et à l’égoïsme. Posséder un ami véritable, c’est doubler sa vie, et du même coup doubler son bonheur, car c’est l’existence qui rend heureux, tandis que cesser de vivre est le pire malheur. Avec un ami, la félicité croît, et le mal diminue. Entre amis, tout doit être commun ; entre amis, point de secrets. Il faut se donner tout entier et sans réserve. Passant ensuite au recueillement et à la solitude, l’auteur en montre finement les inconvénients et les avantages ; on voit qu’il savait faire la différence entre la vie organique et la vie de relation, et c’est à lui qu’appartient parmi les modernes cette distinction ingénieuse dont on fait généralement honneur à Bichat. Si les historiens des sciences remontaient aux sources, au lieu de se copier les uns les autres et de compiler servilement, ils rendraient à chacun ce qui lui revient et porteraient moins de jugements téméraires. Ce n’est pas la curiosité seule qui gagne à remuer les cendres des morts, l’équité y trouve aussi son compte.

Jusqu’ici l’auteur a cherché l’étiologie des maladies dans les passions ; dans ce qui suit, il passe en revue les autres causes qui nuisent à la santé et à la vie par la décroissance de l’humide radical, et dont les effets sont aussi pernicieux. Il commence par la peste, qui est contagieuse ou infectieuse, car l’air suffit pour la communiquer ; elle entre dans le corps par la respiration, par l’odorat, et bientôt le cerveau s’en ressent dans ses fonctions, car le cerveau respire tout ainsi que le cœur, et l’effort qu’il fait pour se débarrasser de l’élément délétère entraîne une si grande perte de liquide, que l’estomac en perd sa chaleur, d’où résulte un trouble profond de l’harmonie organique qui peut produire la mort. C’est un empoisonnement qu’il faut combattre par les moyens les plus énergiques, par les antidotes et les contre-poisons. Avec un peu d’enthousiasme il serait facile de dire que c’est là une vue de génie, car il n’y a pas bien longtemps que l’on sait que l’action des poisons sur le système nerveux peut être immédiate et directe. Évidemment l’auteur en