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STRICKER.de la parole et des sons intérieurs

— lui qui d’après Stumpf était passé maître en fait d’observations psychologiques — que, quand il voulait se rendre compte de la nature du mode d’une mélodie, il avait recours aux efforts qu’il devrait faire pour entonner le son cherché.

Enfin, Stumpf concède lui-même qu’on peut recourir aux sensations musculaires pour déterminer la hauteur du son et surtout avec profit quand un son inaccoutumé nous rend la chose plus difficile, comme par exemple quand il s’agit de préciser les sons de bouteilles et de verres.

Nous pouvons donc déterminer les sons au moyen des innervations musculaires. Mais s’il était possible, comme le dit Stumpf, de se représenter de tels sons sans timbre et sans le secours des nerfs auditifs, il faudrait alors rechercher d’autres appareils nerveux qui pussent servir à ce but.

Mais tant qu’ils n’auront pas été découverts, l’assertion des musiciens qui me réfutent n’a aucun fondement, et l’on me permettra de supposer que les représentations auditives sans timbre sont, à la vérité, transmises chez tous les individus par les mêmes appareils nerveux — les nerfs moteurs, — mais que tous n’ont pas la même faculté de percevoir les sentiments inhérents à ces nerfs ; et l’on reconnaîtra plus d’importance à l’assertion de ceux qui déclarent positivement qu’à la représentation des sons sans timbre ils ont parfaitement la conscience distincte d’un processus moteur.

C’est du moins ainsi que la chose devrait être jugée d’après le simple bon sens ; car il est infiniment plus probable que la faculté de s’observer est variable entre les hommes que d’admettre qu’il existe des appareils nerveux dont on n’aurait trouvé trace jusqu’à ce jour, un appareil qui ne fonctionnerait que chez certains individus et si obscurément qu’ils ne pourraient avoir une conscience claire de la nature de sa fonction.

Examinons de plus près l’assertion de ceux que nous contredisons, nous verrons que leurs propres paroles renferment des arguments en faveur de notre manière de voir.

Quand un timbre inaccoutumé nous empêche d’en juger, on se sert, dit M. Stumpf, avec un vrai succès, de sentiments musculaires pour en préciser la hauteur. Cela ne permet-il pas d’admettre la possibilité que c’est justement cet « extraordinaire » qui dirige l’attention sur quelque chose qu’on ne remarque pas d’habitude ? d’admettre que cela même donne l’occasion d’innervations plus intenses, qui, par cette recrudescence même, deviennent perceptibles pour ceux qui ne perçoivent d’ailleurs que les nuances de son ? Henle nous dit ouvertement dans sa lettre qu’il innerve les muscles